Economie

La recomposition du fret maritime mondial

En 2025, le paysage des alliances maritimes internationales connaîtra des transformations significatives, qui auront un impact considérable sur le secteur du transport maritime. Ces nouvelles alliances surviennent à un moment critique pour un secteur secoué par des tensions géopolitiques persistantes, en chute libre depuis ses plus hauts de janvier 2022.

Le fret maritime n’est pas un business de tout repos : conflits géopolitiques, attaques de pirates, guerre commerciale… La pandémie de Covid-19 et les bouleversements géopolitiques ont mis à l’épreuve la capacité des compagnies maritimes à maintenir un service fiable. Les entreprises du secteur en ont fait les frais ces deux dernières années. Pourtant, découlant des bonnes publications annuelles du géant danois Maersk, les nouvelles semblent bonnes, tablant sur une reprise du commerce mondial notamment avec la réouverture de la Mer Rouge courant 2025. 

C’est dans ce contexte géopolitique et commercial tendu que les grandes alliances maritimes vont être redessinées. Ces alliances sont des partenariats stratégiques entre plusieurs compagnies maritimes, leur permettant de mutualiser leurs ressources pour offrir des services plus compétitifs et une couverture géographique plus étendue. Selon Alphaliner, environ 80 % de la capacité mondiale de transport de conteneurs est gérée par ces alliances.

Le redéfinition des alliances maritimes 

Ces refontes sont l’occasion pour nous de revenir sur les acteurs clés du secteur tout en soulignant les relations parfois compliquées qui oscillent entre coopération et compétitions. 

Jusqu’en 2024, trois alliances dominaient le marché :

  • Alliance 2M : créée en 2015, cette alliance entre Ap Moller Maersk (Danemark) et Mediterranean Shipping Company (Suisse) visait à rationaliser les capacités sur les routes majeures, tout en offrant des services de qualité. Cependant, des divergences croissantes ont poussé les deux géants à se séparer. Ce divorce s’explique par des stratégies opérationnelles distinctes. Maersk, avec sa flotte bleue emblématique et sa réputation de fiabilité, se réinvente en tant qu’intégrateur logistique, cherchant à offrir un service de bout en bout qui assure la ponctualité et la prévisibilité. En parallèle, MSC, le géant discret basé à Genève, a choisi de poursuivre une expansion agressive de sa flotte, en se positionnant comme un « transporteur sans alliance » qui privilégie les escales directes et une couverture mondiale étendue.
  • Ocean Alliance : cette alliance regroupe COSCO Shipping (Chine), OOCL (Hong Kong), Evergreen (Taïwan) et CMA CGM (France), et bénéficie d’une capacité combinée de 4,5 millions de conteneurs standardisés et plus de 330 porte-conteneurs. Cette alliance est, elle, prolongée jusqu’en 2032.
  • THE Alliance : composée de Hapag-Lloyd (Allemagne), Yang Ming Marine Transport (Taïwan), Ocean Network Express (Japon), et HMM (Corée du Sud), a permis d’optimiser l’utilisation des navires grâce à des accords de partage. Or, Hapag-Lloyd quitte cette alliance fin janvier 2025. THE Alliance devient donc PREMIER Alliance en février 2025.

La naissance de Gemini Cooperation, MSC fait cavalier seul

Maersk et Hapag-Lloyd lanceront en février 2025 un nouveau partenariat opérationnel sous le nom de Gemini Cooperation qui se concentrera sur l’optimisation des temps de transit, la fiabilité des horaires et la réduction des émissions grâce à l’utilisation de navires plus écologiques. Avec une flotte de 300 à 340 navires, dotée d’une capacité globale de 3,4 à 3,7 millions de TEUs (Twenty-foot Equivalent Unit, qui correspond à un conteneur standardisé). Pour compléter cet armada, l’organisation propose entre 27 et 29 services principaux, soutenus par une flotte de 30 navettes régionales, garantissant ainsi une couverture exhaustive et une réponse agile aux besoins logistiques variés de leurs clients.

Dans le même temps, bien que MSC poursuive seule son activité, la société s’est tout de même associée à la Premier Alliance sur la route Asie-Europe à partir de février 2025. Cette coopération prendra la forme d’un échange de créneaux (slot exchange). MSC affréte désormais des créneaux pour les services Asie-Europe de la Premier Alliance, permettant à cette dernière d’exploiter neuf services hebdomadaires sur cette route.

Les géant du fret en bourse 

Parmi les 20 plus grandes compagnies de transport maritime par conteneurs, onze sont cotées en bourse (si l’on compte le joint venture de Ocean Network Express qui regroupe Nippon Yusen Kabushiki Kaisha, Mitsui O.S.K. Lines, et Kawasaki Kisen Kaisha).

Ainsi, les entreprises du fret maritime reprennent des couleurs après leur chute vertigineuse en bourse. Les plus gros acteurs cotés ont perdu 42,27% en moyenne de leur valeur boursière depuis leur plus haut de janvier 2022. Cette tendance tend à se renverser si l’on observe la période récente malgré la fermeture de la Mer Rouge en début de 2024, ce qui a surtout impacté les transporteurs européens les plus présents sur cette route. Ainsi, les entreprises du fret maritime prennent 34,9% les douze derniers mois, avec une hausse de 5,6% rien que pour la dernière semaine. 

Les bonnes performances boursières concordent avec une hausse des prix du fret en 2024. Les tensions furent exacerbées par des grèves dans les ports allemands et des conditions climatiques défavorables, en plus des pressions sur les capacités dues aux attaques de navires en mer Rouge et une accélération de la demande américaine. Les importateurs, cherchant à éviter des ruptures d’approvisionnement, acceptent des coûts plus élevés, ce qui pousse les prix du fret encore plus haut. Le coût moyen pour expédier un conteneur de 40 pieds a augmenté de 256% en un an, bien que cela reste inférieur au pic de 10 377 dollars en septembre 2021.

La tendance est à la baisse depuis cet automne, surtout que les nouvelles alliances vont elles aussi faire baisser les prix. Cependant, la menace d’une guerre tarifaire à l’initiative du président américain Donald Trump fait monter l’incertitude sur le commerce en provenance de Chine. Début janvier, seuls les coûts entre la Chine et les côtes américaines étaient en hausse. Depuis, les prix baissent sur l’ensemble des grandes routes partant de Shanghai. marketscreener

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