L’aide à l’emploi ne sera plus accessible aux travailleurs étrangers temporaires au Québec
Au Québec, les travailleurs étrangers temporaires et leurs conjoints ne seront plus admissibles aux services publics à l’emploi dès le 1er février, à l’exception des étudiants étrangers qui ont un permis de travail post-diplôme.
Cette nouvelle a eu l’effet d’une bombe pour les organismes qui se consacrent à aider cette clientèle, qui ont été informés seulement quelques jours avant la mise en application de cette mesure.
On ne comprend pas la raison pour laquelle on ne donnerait pas accès aux services publics à l’emploi à des personnes qui sont sur le territoire québécois, qui ont des permis de travail et qui ont le droit de travailler
, affirme Nisrin Al Yahya, directrice générale du Réseau des services spécialisés de main-d’œuvre (RSSMO).
Les personnes qui bénéficient de ce service ont en majorité immigré au Québec dans le but d’y travailler ou sont des conjoints de personnes venues travailler au Québec. Les services d’aide à l’emploi leur permettent notamment de comprendre les rouages du marché du travail au Québec, de développer un réseau et de se rendre visibles auprès des employeurs potentiels.
Pour certains de ces futurs travailleurs, les organismes peuvent les aider à rédiger un CV à la manière québécoise et à mieux s’intégrer dans leur milieu professionnel.
C’est comme un coffre à outils [qu’on veut] le plus complet possible pour leur permettre d’être autonomes dans leurs démarches et, surtout, de se trouver des emplois dans les meilleurs délais, avec succès.Une citation deYann Hairaud, directeur général de l’organisme Clef pour l’intégration au travail des immigrants (CITIM)
Selon Émilie Bouchard, coordonnatrice du Réseau national des organismes spécialisés dans l’intégration à l’emploi des nouveaux immigrants (ROSINI), ces personnes-là vont être laissées à elles-mêmes pour leurs démarches de recherche d’emploi dans un environnement [dont elles] ne connaissent pas nécessairement les rouages
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Exceptions
- Les personnes déjà inscrites et prises en charge pourront continuer à recevoir les services après le 1er février 2025.
- Les étudiants étrangers qui ont un permis de travail post-diplôme ne sont pas touchés par cette décision.
Des données qui font sourciller
Dans une communication écrite, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS) explique que les travailleurs étrangers temporaires et leurs conjoints étaient admissibles aux services publics d’emploi depuis 2019. Cette année-là, un grand nombre d’entreprises ont eu recours au recrutement [à l’étranger] en raison de la pénurie de main-d’œuvre
.
Selon le gouvernement Legault, la situation de l’emploi a changé, notamment avec la hausse du taux de chômage, ce qui donne la possibilité aux employeurs de recruter la main-d’œuvre déjà disponible sur le territoire québécois.
Le MESS ajoute que selon ses données, depuis 2019, les travailleurs étrangers temporaires et leurs conjoints […] représentent entre 0,2 % et 0,9 % par rapport à l’ensemble des participations, toutes clientèles confondues
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Les données du ministère font sourciller Émilie Bouchard, coordonnatrice du Réseau national des organismes spécialisés dans l’intégration à l’emploi des nouveaux immigrants (ROSINI), qui n’en fait pas la même lecture.
Ils disent qu’il y a une baisse de cette clientèle-là dans les organismes, mais nous, on n’a pas dénoté ça dans les derniers mois. […].
Elle estime que cette clientèle représente de 30 à 40 % des usagers des organismes qui font partie du ROSINI.
Nous, on le voit plus au niveau financier que c’est un coût financier important pour le ministère, donc s’ils sont en compressions budgétaires, en restrictions budgétaires, pour eux, ça représente un gain d’argent.Une citation de Émilie Bouchard, coordonnatrice du ROSINI
Même constat pour Yann Hairaud, qui affirme que son organisme aide annuellement entre 500 et 600 travailleurs étrangers temporaires. C’est 70 % de notre clientèle
, dit-il.Ouvrir en mode plein écran
Pour l’organisme La Sphère à Rimouski, les travailleurs étrangers temporaires représentent 16 % de ceux qui font appel à ses services. On a de [ces travailleurs-là] à chaque semaine qui cognent à notre porte pour avoir des services d’aide à l’emploi
, souligne la directrice adjointe de cet organisme, Joanie Dubé.
De l’incompréhension pour les organismes impliqués
Émilie Bouchard a appris la nouvelle le 23 janvier dernier lors d’une rencontre virtuelle avec des représentants du MESS.
C’était une nouvelle choc parce que ce n’était pas une chose à laquelle on s’attendait, confie-t-elle. On est en plein renouvellement pour les prochaines ententes, donc ce n’est pas ce qui avait été prévu au plan de match.
Cette décision pourrait également avoir des répercussions non négligeables sur les organismes pour lesquels une telle perte de participants pourrait signifier une perte financière, ajoute Mme Bouchard. C’est une masse de participants très substantielle pour les organismes qui sont membres de notre réseau, explique-t-elle. C’est sûr que qui dit moins de participants dit moins de financement, parce que nous, on est financés au coût client.
Nisrin Al Yahya s’explique mal la décision du ministère. C’est quand même une sorte de claque au visage de nos organismes qui travaillent auprès de ces clientèles-là et pour qui ça représente quand même une cible assez importante.
Quant à lui, Yann Hairaud fait valoir qu’il est nécessaire de garder ce type de service, tant pour les travailleurs étrangers temporaires que pour les employeurs.
Beaucoup d’entreprises n’ont pas de lien direct avec les communautés de personnes immigrantes et c’est souvent par notre intermédiaire qu’elless sont en mesure d’établir des passerelles ou des ponts, explique-t-il. Alors si ces personnes-là [ne se rejoignent plus], on va se retrouver avec deux solitudes.
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