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Énergie et climat : cinq déclarations de Donald Trump décortiquées

De la nécessité de déclencher l’état d’« urgence énergétique » à la fin de « l’obligation » d’achat de véhicules électriques, le président Donald Trump a promis de redresser des États-Unis qu’il juge affaiblis par la transition vers les énergies renouvelables et incapables d’exploiter leurs propres ressources. Mais qu’en est-il vraiment?


1. Les États-Unis sont dans une situation énergétique précaire qui nécessite la déclaration d’une urgence nationale

L’insuffisance de la production, du transport et du raffinage des ressources en énergie des États-Unis constitue une menace inhabituelle et extraordinaire pour l’économie, la sécurité nationale et la politique étrangère de notre pays. À la lumière de ces constats, je déclare l’urgence nationale.Une citation deDécret présidentiel sur la déclaration de l’état d’urgence énergétique, signé le 20 janvier 2025

Après avoir fait de la question énergétique l’un des thèmes centraux de sa campagne, Donald Trump est arrivé à la Maison-Blanche avec la ferme intention d’augmenter la production de combustibles fossiles. L’un de ses premiers décrets lui a permis de déclarer l’état d’urgence énergétique.

Selon le président, le développement des ressources pétrolières et gazières est insuffisant pour combler les besoins énergétiques des Américains et place le pays dans une position de vulnérabilité qui pourrait compromettre la prospérité et la sécurité nationales.

Dans son discours d’investiture, il a fait le vœu d’accélérer l’approbation des demandes de permis, de remplir les réserves stratégiques de pétrole au maximum de leur capacité et d’exporter l’énergie américaine partout sur la planète.

Si les déclarations de M. Trump donnent à penser que les États-Unis sont menacés par une pénurie de ressources énergétiques, les chiffres donnent un tout autre portrait. Le pays est le plus grand producteur de pétrole et de gaz naturel de la planète. En 2022, il est aussi devenu le plus grand exportateur de gaz naturel liquéfié.

Sous l’administration de Joe Biden, les États-Unis ont établi un record annuel, avec 13,2 millions de barils de pétrole produits par jour en 2024. Selon les projections de l’agence fédérale américaine EIA, publiées quelques jours avant l’assermentation de M. Trump, le pays devrait augmenter sa production à 13,6 millions de barils par jour en 2026.

C’est un peu hypocrite de déclarer une urgence énergétique nationale alors que nous sommes en train d’inonder les marchés internationaux de nos combustibles fossiles, a réagi Gillian Giannetti, avocate de l’ONG américaine Natural Resources Defense Council.

Suivant une tendance observée peu de temps avant la pandémie de COVID-19, la production primaire a dépassé la consommation annuelle totale aux États-Unis année après année depuis 2019, d’après les données de l’EIA.Début du widget . Passer le widget ?

2. Les Américains sont dans l’obligation d’acheter des voitures électriques

J’ai mis fin au mandat insensé et coûteux qui oblige à acheter des véhicules électriques. Nous allons laisser les gens acheter la voiture qu’ils veulent acheter.Une citation deDiscours de Donald Trump lors du Forum économique mondial de Davos, le 23 janvier 2025

Contrairement à ce que le président américain a martelé lors de ses discours – et inscrit dans les décrets signés dès son premier jour à Washington –, il n’existe ni loi ni obligation visant à interdire aux Américains d’acheter des voitures à essence.

Ce que Donald Trump qualifie d’obligation est en fait une série de politiques instaurées par son prédécesseur Joe Biden pour favoriser la conception et la production de voitures électriques dans les usines américaines et encourager les automobilistes à se tourner vers des modèles moins polluants.

L’administration Biden avait notamment mis en place des normes de construction pour augmenter les ventes de véhicules entièrement électriques d’ici 2032. Le gouvernement a aussi instauré des crédits d’impôt allant jusqu’à 7500 $ pour l’achat d’une voiture et des subventions pour l’installation d’une borne de recharge.

Par décret présidentiel, Donald Trump a manifesté sa volonté de supprimer plusieurs de ces obstacles réglementaires qui, selon lui, privent les Américains qui le veulent de continuer à conduire une voiture à essence.

Les subventions injustes et toutes autres distorsions du marché mal conçues – et imposées notamment par les gouvernements des États – pour favoriser les véhicules électriques pourraient éventuellement y passer.

3. Blâmer les politiques d’extrémisme climatique de Joe Biden

L’extrémisme climatique a fait exploser l’inflation et le fardeau des réglementations [environnementales] pèse sur les entreprises.Une citation deAnnulation de décrets et d’actions jugées « nuisibles » de l’administration Biden, le 20 janvier 2025

Dès son premier jour au pouvoir, le président Trump a mis la hache dans les réglementations environnementales de l’administration Biden.

M. Trump a également répété qu’il allait révoquer le Green New Deal – ce qu’il a d’ailleurs inscrit dans l’un de ses décrets présidentiels. Ce plan de lutte contre les changements climatiques, initialement porté par la représentante Alexandria Ocasio-Cortez et le sénateur Ed Markey, en 2019, n’a pourtant jamais été adopté au Sénat américain.

Certains objectifs du projet se sont néanmoins retrouvés au cœur de l’Inflation Reduction Act, la pièce maîtresse du plan de Joe Biden pour stimuler la croissance des énergies renouvelables. Le président Trump avait promis de s’attaquer à cette loi, en vertu de laquelle des milliards de dollars ont été injectés dans la transition énergétique, en particulier dans des États républicains.

Depuis son arrivée, il a ordonné le gel immédiat des financements alloués à des programmes et projets en vertu de l’Inflation Reduction Act, ce qui contrevient à la loi.

Des manifestants ont interrompu l’audition de Chris Wright devant une commission du Sénat des États-Unis. M. Wright, le choix de Donald Trump comme secrétaire à l’Énergie, a fait fortune grâce à la fracturation hydraulique.

Si Donald Trump taxe Joe Biden d’extrémisme climatique, de nombreux écologistes ne sont pas de cet avis. Bien que Joe Biden en ait fait plus en matière de climat que ses prédécesseurs, son administration a soulevé l’ire des militants en donnant le feu vert à des projets pétroliers controversés.

Quant à l’inflation, celle-ci a bel et bien connu une hausse pendant le mandat de Joe Biden, pour atteindre 9,1 % à l’été 2022, un sommet en 40 ans, essentiellement en raison des perturbations économiques causées par la pandémie. En décembre 2024, elle se situait à 2,9 % pour un troisième mois consécutif.

4. Les États-Unis sont incapables de faire face aux désastres

Notre pays n’est plus en mesure de fournir des services de base en cas d’urgence, comme l’ont montré récemment les merveilleux résidents de la Caroline du Nord – qui ont été si mal traités – et d’autres États qui souffrent encore du passage d’un ouragan qui a eu lieu il y a plusieurs mois ou, plus récemment, Los Angeles, où nous voyons des incendies tragiques tout brûler depuis des semaines, sans même un semblant de défense. […] Tout le monde est incapable de faire quoi que ce soit. Ça va changer.Une citation deDiscours d’investiture de Donald Trump, le 20 janvier 2025

Au cours des derniers mois, Donald Trump a multiplié les déclarations trompeuses sur le passage meurtrier des ouragans Helene et Milton dans le sud-est des États-Unis et sur les feux dévastateurs de Los Angeles.

À l’instar d’autres élus de son parti, le président a amplifié les discours qui nient l’impact des changements climatiques sur ces phénomènes. Il a en outre pris l’habitude d’alimenter la désinformation au sujet de la réaction des autorités à ces catastrophes.

M. Trump a notamment reproché à tort à l’administration Biden d’avoir retenu l’aide destinée aux victimes de l’ouragan Helene, voire d’avoir délibérément refusé de porter secours aux sinistrés des régions républicaines.

Quelques jours après son investiture, il a de nouveau accusé le gouverneur démocrate de la Californie d’être resté sourd à ses demandes de libérer l’eau pour éteindre les feux. S’il l’avait fait, vous n’auriez pas eu le problème que vous avez eu. Vous n’auriez peut-être même pas eu d’incendie!, a-t-il lancé vendredi dernier.

Or, les autorités et des experts ont expliqué plus d’une fois que les réservoirs n’étaient pas vides, mais que les infrastructures n’étaient pas conçues pour pomper autant d’eau en altitude, ni pour affronter plusieurs brasiers imposants en même temps.

5. L’Accord de Paris est une arnaque qui désavantage les États-Unis

Je nous retire immédiatement de l’Accord de Paris sur le climat, qui est une escroquerie injuste et unilatérale. Les États-Unis ne vont pas saboter leurs propres industries pendant que la Chine pollue en toute impunité.Une citation deLors de la signature de plusieurs décrets présidentiels, le 20 janvier 2025

Comme il l’avait fait dès son premier mandat, le président Trump a de nouveau lancé le processus pour retirer les États-Unis de l’Accord de Paris, l’entente internationale phare qui vise à limiter le réchauffement de la planète.

Donald Trump est d’avis que l’Accord de Paris impose un fardeau économique indu aux Américains, alors que d’autres grands pollueurs, dont la Chine et l’Inde, bénéficient de l’aide internationale accordée aux pays en développement.

S’il pousse les pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour maintenir la température globale sous la barre de 1,5 degré Celsius, l’accord n’est pas contraignant. Les 190 pays qui y prennent part définissent eux-mêmes la cible qu’ils souhaitent respecter.

L’Accord de Paris ne fixe pas de contribution financière précise pour chaque pays. Il fonctionne, en théorie, selon le principe des responsabilités communes, mais différenciées, et des capacités respectives des États. Autrement dit, l’apport attendu de chaque pays dépend de ses moyens financiers, mais aussi de ses contributions historiques aux émissions de GES.

C’est pourquoi les États-Unis, en tant que plus grands pollueurs de la planète, sont pressés de jouer un rôle clé dans la lutte contre les changements climatiques.

Il est tout simplement absurde que les États-Unis renoncent volontairement à cette influence politique et laissent passer cette occasion de façonner le marché de l’énergie verte, qui est en pleine expansion, a commenté Ani Dasgupta, président du World Resources Institute.

En voulant être à l’écart, a-t-il ajouté, ils auront moins de leviers à leur disposition pour obliger les autres grandes économies à respecter leurs engagements. radio-canada

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