Le vide juridique des Stock-Options en Droit Marocain
L’attribution d’options de souscription ou d’achat d’actions, de même que l’attribution gratuite d’actions, se présente comme un mode de rémunération à long terme des personnels des entreprises, en particulier des cadres (dirigeants ou non), et comme un moyen de les intéresser à la gestion de la société de groupe dont celle-ci fait partie. Ces dispositifs constituent en outre un moyen de les fidéliser et d’accroitre leur motivation lors de la mise en œuvre de plans de redressement ou de développement à moyen terme.
L’attribution d’options permet à des salariés ou à des dirigeants de souscrire ou d’acheter à terme des actions de la société qui les emploie ou d’une société du groupe liée à celle-ci.
En contrepartie, ils recevront des dividendes à la fin de l’exercice comptable et une éventuelle plus-value lors de la vente. Cette rémunération varie en fonction des performances de la société.
Pour encourager l’octroi d’options d’achat d’actions par les salariés de la même entreprise, la législation fiscale marocaine a mis en place, depuis 2001, un régime spécial modifié par la loi de Finances 2008. Mais cela n’a pas encouragé les entreprises marocaines. «Les avantages juridiques et fiscaux ne sont pas très importants vu qu’il y a tout de même imposition sur le rabais et sur la plus-value».
Le principe de l’attribution gratuite est encore plus simple: la société décide, toujours sur autorisation de l’AGE, d’attribuer gratuitement un certain nombre d’actions à tout ou partie des dirigeants ou salariés, cette attribution étant définitive au terme d’une durée déterminée appelée « période d’acquisition ».
Seules les personnes ayant la qualité de salarié et les dirigeants ont le droit de bénéficier d’options ou d’actions gratuites.
L’attribution d’options sur actions ou d’actions gratuites dans les groupes de société, courante en pratique, soulève plusieurs questions liées notamment à la désignation des bénéficiaires de l’attribution au sein du groupe ou à la reconnaissance de plans d’options ou d’attribution gratuite mis en place par une société étrangère au bénéfice de salariés ou dirigeants d’une société marocaine du groupe.
Le vide juridique existant en matière de stock-options au Maroc fait de lui un mécanisme risqué quant à sa mise en œuvre.
Le principe peut être prévu dans un pacte d’actionnaires dans lequel les actionnaires vont organiser et déterminer les modalités d’attribution. Par conséquent, les salariés ou dirigeants nouveaux ou futurs actionnaires devront y adhérer. Il peut également être intégré dans les statuts. Nous préconisons, cependant, qu’il ne soit pas intégré ni dans les statuts de la structure à créer, ni dans un pacte d’actionnaires, mais plutôt dans le contrat de travail du salarié et dans l’acte de nomination du dirigeant concerné. Ceci pour rester dans la logique même attachée aux stock-options : motivation et fidélisation. De ce fait, leur mise en place demeurera la prérogative seule des actionnaires, réunis en AGE, qui décideront du moment et des modalités de leur mise en place et de leur mise en œuvre, quitte à déléguer ladite prérogative au CA.
I/Options et actions gratuites attribuées dans les groupes
Deux sortes d’attribution de société marocaine et étrangère.
A /Attribution par une société marocaine
Mécanisme d’attribution et de mise en œuvre pour l’option par voie de souscription ; cette première modalité de mise en œuvre des stock-options permet aux dirigeants ou salariés concernés de participer aux augmentations de capital de leur société au fur et à mesure de l’émission de nouvelles actions. Ces augmentations sont exclusivement des augmentations de capital réservées aux bénéficiaires des stock-options. Il s’agira dans ce cas pour la société de créer ou d’émettre de nouvelles actions correspondant au montant du droit d’option dont bénéficient les salariés ou les dirigeants concernés tel que précisé dans le plan d’options, par le conseil d’administration.
Concrètement, l’augmentation de capital sera réservée aux bénéficiaires de l’option par voie de souscription et se fera (i) soit par incorporation des réserves ou par tout autre mécanisme permettant aux bénéficiaires des options de souscrire à l’augmentation de capital sans utiliser leurs fonds propres si la souscription est faite à titre gratuit (i.e. les actions leurs sont offertes), (ii) soit par apport d’argent frais de ceux-ci si la souscription est à titre onéreux. Dans ce dernier cas, le prix d’exercice est nécessairement bas ( par rapport à la valeur nominale de l’action).
La procédure se présentera comme ci-après :
• Décision de mise en place d’option par les actionnaires, réunis notamment en assemblée générale extraordinaire (AGE) et autorisation à cet effet du Conseil d’Administration (CA) à accorder à titre gratuit ou onéreux des options à toute ou partie des salariés et dirigeants. Si les options sont à titre onéreux, l’AGE fixe les modalités de détermination du prix et la durée pendant laquelle les options s’exerceront. Ou possibilité de délégation des pouvoirs les plus étendus au CA pour fixation de la nature des options offertes, des conditions d’attribution de ces options et des modalités de leur exercice.
• Décision de l’AGE sur l’opération après lecture du rapport du Conseil d’Administration, et éventuellement du commissaire aux comptes si l’option de souscription se traduit par une augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription (DPS), comme le précise l’article 192 de la Loi. Les actionnaires peuvent également décider de renoncer à leur DPS au profit des bénéficiaires des options. Dans tous les cas, l’une ou l’autre des modalités d’effacement du DPS devra être choisie par les actionnaires : renonciation ou suppression ;
• Réalisation de l’opération de l’augmentation de capital par le CA dans les trois (3) ans suivant la décision de l’AGE ;
Il faut noter que dans ce schéma, la dilution des anciens actionnaires est inévitable.
1 /bénéficiaire de l’attribution
Ces bénéficiaires sont dans le cadre de stock-options :
-Salariés du groupe
Les options et actions gratuites peuvent être octroyées au personnel salarié des sociétés détenant au moins 10 % du capital ou de des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par la société octroyant les options ou les actions. En outre, lorsque les actions auxquelles donnent droit les options ou l’attribution gratuite sont admises aux négociations sur un marché règlementé, les options ou actions gratuites peuvent également être octroyées :
Au personnel salarié des salariés détenant directement ou indirectement au moins 10% du capital ou des droits de vote de la société octroyant les options ou les actions.
Au personnel salarié d’entreprise dont 50% au moins du capital ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par une société détenant elle-même, directement ou indirectement au moins 50% du capital de la société octroyant les options ou les actions.
-Dirigeants du groupe
Si les options ou l’attribution gratuite portent sur des actions admises aux négociations sur un marché réglementé, les actions gratuites peuvent être octroyées aux dirigeants
Dans une société dont 10% au moins du capital ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par la société octroyant les actions.
Dans une société détenant, directement ou indirectement, au moins 10% du capital ou des droits de vote de la société octroyant les actions.
Dont des sociétés dont 50% au moins du capital ou des droits de vote sont détenus directement ou indirectement, par une société détenant elle-même, directement ou indirectement, au moins 50% du capital de la société octroyant les options ou les actions.
-Appréciation de la détention d’une participation indirecte
La détention directe ou indirecte d’une participation par la société attribuant les options ou les actions gratuites. Faut-il apprécier la détention indirecte d’une participation à partir d’une chaine interrompue de participations, majoritaires détenues ; ensemble ou séparément ; par la société concernée ; ses filiales ou ses filiales ?
Telle n’est pas la position de la distraction fiscale : celle-ci considère qu’il convient d’effectuer le produit des participations pour apprécier si le minimum de 10% est atteint.
La loi étant, muette sur l’interprétation à retenir ; les sociétés sont à notre avis libres de choisir la, méthode de calcul qui convient le mieux à leurs intérêts.
2/Sociétés du groupe concernés par l’attribution
Toute société par actions du groupe peut attribuer des options ou des actions gratuites ; que ses titres soient ou non négociées en bourse.
3/Information des actionnaires
Lorsque la société qui attribue les actions gratuites est contrôlée majoritairement ; directement ou indirectement ; par une société ; le rapport spécial est porte à la connaissance des actionnaires de cette dernière lors de leur assemblé générale ordinaire.
4/Revente d’actions non négociées en bourse
Les bénéficiaires d’options peuvent rencontrer des difficultés pour revendre les actions qu’ils ont acquises lorsque celles-ci ne sont pas négociées en bourse.
En pratique ; la clause organisant cette contrepartie précise les modalités de fixation du prix de rachat et les conditions de paiement de ce prix ; a défaut ; les bénéficiaires n’ont d’autres alternatives que d’accepter le prix propose par la contrepartie ou refuser de vendre.
B / L’attribution par une société étrangère
Il est possible à une société dont le siège est à l’étranger de consentir des options sur ses propres actions ou salaries et dirigeants d’une société marocaine avec laquelle elle est liée dans les conditions.
Information des bénéficiaires :
Les plans d’options ou d’attributions gratuite ne sont opposables au bénéficiaire que s’ils ont été portés à sa connaissance ; une question se pose en cas de remise à un salarie ou un dirigeant un plan rédigé dans une langue étrangère; la langue de l’état dont la société attribuant les options ou les actions est ressortissante : ce plan est-il opposable à l’intéressé?
Incidence fiscale et sociale :
Lorsque la société attributrice est une société cotée soumise à une législation qui n’exige pas un suivi précis des achats et des ventes de ses propres titres et lorsque la société émettrice excède celui nécessaire pour couvrir le plan du groupe d’achat d’actions gratuites.
La plus-value d’acquisition est considérée comme un revenu de source étrangère, en vertu des dispositions de l’article 25 du Code Général des Impôts (C.G.I), soumise à l’impôt sur le revenu au taux du barème prévu à l’article 73-I du C.G.I. La plus-value susvisée est égale à la différence entre le prix payé par le bénéficiaire et la valeur de l’action à la date de la levée de l’option. La plus-value de cession est assimilée à un profit de capitaux mobiliers de source étrangère, conformément aux dispositions de l’article 25 précité, soumise à l’impôt sur le revenu au taux libératoire de 20% prévu à l’article 73-II-F-5° du C.G.I. La plus-value susvisée est égale à la différence entre le prix de cession de l’action et son prix à la date de la levée de l’option.
II/Régime des options de souscription ou d’achat d’actions
La société peut accorder soit des options d’achat; soit des options de souscription; pour les bénéficiaires des options ; les deux formules sont équivalentes.
Pour la société; les options de souscription sont plus avantageuses que les options d’achat. La société peut augmenter ses fonds propres sans charge excessive.
Pour les actionnaires; le choix des options de souscription est plus désavantageux car susceptible d’entrainer une dilution du capital et donc une baisse sensible de la valeur des actions.
A /Conditions d’attribution
Il n’est pas nécessaire que le capital d’une société attribuant des options de souscription soit entièrement libéré ; en effet ; par dérogation à la règle imposant la libération du capital avant toute émission d’actions nouvelles à libérer en numéraire.
1/Consultation au comité d’entreprise
Le comité d’entreprise doit être consulte à la mise en place d’un plan d’attribution qui; par son ampleur; entraine une modification de l’organisation Economique et juridique de l’entreprise ou du mode de rémunération d’un nombre substantiel de salariés ; il en va autrement ainsi dans les cas suivants :
• Une importante catégorie de salaries est concernée par le plan.
• L’attribution conduit le ou les bénéficiaires à prendre à terme une participation non négligeable dans le capital et s’accompagne de leur nomination a des fonctions de dirigeants dans le capital et s’accompagne de leur nomination a des fonctions de dirigeant directeur général; membre du directoire ; président.
• Le plan porte sur une fraction importante du capital social ou entraine une augmentation de capital importante.
Lorsque les bénéficiaires de l’attribution sont des salaries d’une autre société du groupe la consultation du comité d’entreprise de cette société ne semble pas s’imposer car n’est pas elle qui a pris la décision d’attribution.
2/Autorisation d’octroi des options
L’octroi des options doit être autorise par l’assemblée générale extraordinaire ou pour une SAS ; statuant sur rapport du conseil d’administration ou du directoire ; du président désigné à cet effet par les statuts et sur rapport spécial des commissaires aux comptes. L’autorisation ne peut être utilisée par le conseil d’administration ou le directoire que pendant un certain délai fixé par l’assemblée.
3/Décision d’attribution des options
Cette décision relève de la compétence du conseil d’administration ou du directoire ; qui fixe les conditions dans lesquelles les options sont consenties : choix des bénéficiaires ; nombre d’actions auquel donnent droit les options ; prix d’achat ou de souscription.
B/Droits sur les options consentis
Les droits résultant des options consentis sont inaccessibles jusqu’à ce que l’option ait été exercée. Le bénéficiaire ne peut donc pas en disposer .Toutefois ; en cas du décès du bénéficiaire; les options sont transmissibles a ses héritiers; qui peuvent les exercer dans un certain délai.
C/Levée des options
Si la décision d’octroi des options engage unilatéralement la société ; la levée des options est toujours facultative pour les bénéficiaires; sauf clause contraire du règlement ; elle peut être réalisée en totalité ou en partie ; en une seule fois ou par fractions successives ; au choix de l’intéressé.
La levée d’options de souscription entraine l’augmentation consécutive du capital de la société qui les a consenties.
En cas de levée d’options d’achat ; la société transfère au compte du bénéficiaire le nombre d’actions convenu par prélèvement sur ses propres titres qu’elle les a acquis au préalable.
D/ La Cession des actions
En principe, les actions sont librement cessibles par simple virement de compte à compte dès la levée de l’option.
Toutefois, le conseil d’administration ou le directoire peut introduire la revente immédiate des actions que les bénéficiaires ont souscrites ou achetés sans que le délai soit imposé pour la conversion des titres puisse excéder la date de la levée de l’option.
D /1 /Obstacles à la cession
Les bénéficiaires d’options donnant droit à des actions non négociées en bourse peuvent rencontrer des difficultés à céder celle-ci ; d ou les mécanismes de contrepartie, mis en place pour pallier ces difficultés.
Un bénéficiaire d’options donnant droit à des actions admises aux négociations sur un marché règlementé commettrait un délit d initie ; après avoir levée les options ; il revendait ses titres avant que le public ait connaissance d’une information privilégiée â laquelle il aurait eu accès sur les perspectives ou la situation de la société émettrice. En conséquence, il doit s’abstenir de revendre ses actions au moment ou il a connaissance d’une telle information ; notamment lorsque celle-ci, si elle était rendue publique, serait de nature à provoquer une baisse du cours des actions en cause.
D/2 Régime fiscal des plus-values liées à la cession des titres
Le déroulement du régime fiscal des plus-values liées à la cession des titres.
a/ Avantage tiré de la levée de l’option
Au moment de la levée de l’option; le salarié bénéficie d’un avantage; égal à la différence entre le cours ou la valeur réelle des titres à la date de la levée de l’option et le prix de souscription ou d’achat.
Cet avantage, qui a la nature d’un complément de salaire, peut cependant être imposé en tant que plus-value sur valeurs mobilières à des taux particuliers.
Dans tous les cas, l’imposition n’interviendra que plus tard ; lors de la cession des titres ou de leur conversion au porteur.
La cession qui entraine l’imposition de l’avantage tire de la levée de l’option s entend pour les options attribuées ; de la cession à titre onéreux et des cessions à titre gratuit.
L’imposition en tant que plus-value sur valeurs mobilières : l’avantage tire de la levée de l’option est imposé en tant que plus-value mobilière des lors que les actions souscrites ou acquises revêtent la forme nominative et demeurent indisponibles ; sans être donnée en location ; pendant un certain délai ; sauf option du bénéficiaire pour l’imposition comme salaire.
L’avantage est taxé ; pour les options attribuées ; suivant le régime général des plus-values de cession de valeurs mobilières.
b /Plus ou moins-value de cession des actions
Lorsque les titres acquis au moyen d’options sont cédés à un prix inférieur à leur valeur à la date de la levée de l’option ; la moins-value réalisée est imputable à leur valeur sur le montant de l’avantage tire de l’option ; qu’il soit imposable en tant que plus-value ou en tant que salaire
III/Régime des attributions gratuites d’actions
Ce dispositif s’inspire très largement du régime des options de souscription ou d’achats d’actions avec lequel il coexiste ; les deux systèmes pouvant d’ailleurs être mis en place simultanément dans la même société ; entraine aucune prise de risque pour le bénéficiaire ; comme son nom l’indique; il ne nécessite aucun versement de leur part en échange des actions que la société s’engage à leur attribuer.
A Conditions de l’attribution
Les conditions de l’attribution passent par des consultations.
1 /Consultation du comité d’entreprise
Comme en matière de stock optons ; la consultation préalable du comité obligatoire lorsque par son ampleur, le plan d’attribution gratuite mis en place entraine une modification de l’organisation économique et juridique de l’entreprise ou du mode rémunération d’un nombre substantiel de salaries ; cette consultation appelle les mêmes observations que pour les stocks options.
2/Autorisation de l’attribution
L’attribution gratuite doit être autorisée par l’assemblée générale extraordinaire sautant sur rapport du conseil d’administration ou du directoire et sur rapport spécial des commissaires aux comptes ; l’autorisation peut être utilisée par le conseil d’administration ou le directoire pendant un certain délai.
B/Date d’attribution
La date à partir de laquelle les actions sont attribuées est déterminée par le conseil d’administration ou le directoire dans le délai fixé par l’assemblée et sous la réserve qui suit. En l’absence de dispositions légales ou réglementaires contraires rien ne s’oppose.
C./Actions attribuées aux dirigeants
Dirigeants de toute société : lorsqu’ une société attribue gratuitement des actions a des dirigeants ; le conseil d’administration ou ; selon le cas le conseil de surveillance de la société doit soit leur interdire de céder leurs actions avant la cessation de leurs fonctions ; soit fixer la quantité de ces actions qu’ils sont tenus de conserver au nominatif jusqu’ à la cessation de leurs fonctions. Cette restriction doit être mentionne dans le rapport de gestion présenté à l’assemblée annuelle des actionnaires.
Dirigeants de société dont les titres sont admis sur le marché : lorsqu’ une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché règlementé attribue gratuitement des actions a des dirigeants ; l’attribution est subordonnée au respect des mêmes conditions qu’en cas d’octroi gratuites aux salaries ou bien mise en place d’un accord d’intéressement ou de participation.
Code de gouvernance d’entreprise : les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé sont invitées à respecter les recommandations.
Zineb Fassi Fihri – Professeur-Université Sidi Mohamed Ben Abdellah