Economie

Délais de paiement : L’étau se resserre autour des petites entreprises  

L’amélioration des délais de paiement au Maroc franchit un nouveau pas décisif en faveur d’une meilleure santé financière des entreprises, avec l’application de l’amende pécuniaire, à compter du 1er janvier 2025, pour les personnes physiques et morales réalisant un chiffre d’affaires (CA) entre 2 et 10 millions de dirhams (MDH).

En effet, comme l’a détaillé la Direction générale des impôts (DGI) dans sa note circulaire n°734, le deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n°69.21 a prévu que les dispositions des articles 78-3 à 78-10 seront appliquées aux factures émises à compter du 1er janvier 2025, pour les personnes physiques et morales qui réalisent un CA inférieur ou égal à 10.000.000 dirhams et supérieur à 2.000.000 dirhams, hors taxe sur la valeur ajoutée, au titre du dernier exercice clos.

Cette mesure s’inscrit dans la continuité des efforts menés dans le cadre de l’application progressive du dispositif de sanctions pécuniaires en matière de délais de paiement, avec pour objectif de répondre d’une manière efficace à un problème structurel affectant depuis des années le tissu économique marocain.

L’application de ces amendes face à ces retards de paiement, qui impactent gravement la trésorerie des petites et moyennes entreprises (PME) et limitent leur capacité à se développer, est de nature à instaurer une culture de respect des délais, essentielle à la stabilité financière des entreprises et, par conséquent, à l’ensemble de l’économie nationale.

D’après la même circulaire, l’amende pécuniaire ne s’applique pas aux factures émises avant le 1er janvier 2025, dont le montant est inférieur ou égal à 10.000 dirhams, toutes taxes comprises. Par conséquent, ces facteurs ne doivent pas être intégrés dans les déclarations des délais de paiement au titre des années 2023 et 2024.

Loi n°69.21 : une avancée majeure !

Publiée au bulletin officiel le 15 juin 2023, la loi n°69.21 modifiant la loi n°15-95 formant Code de commerce et édictant des dispositions transitoires particulières aux délais de paiement se veut une avancée majeure en termes de consolidation et d’amélioration des comportements des entreprises.

Approché par la MAP, le directeur études et communication d’Inforisk, Amine Diouri, a affirmé que cette loi est un succès par rapport aux autres législations de 2011 et 2016 qui n’ont pas fonctionné.

Il a, dans ce sens, mis en avant l’aspect obligatoire que ladite loi impose, via les déclarations et les sanctions des grandes entreprises.

“De ce point de vue, lorsque nous constatons que quasiment toute la population cible, c’est-à-dire les entreprises de plus de 50 millions de dirhams, se conforme aux exigences de cette loi, nous pouvons d’ores et déjà considérer cela comme un succès”, a-t-il expliqué.

Et de poursuivre : “Bien sûr, nous attendrons d’analyser le pourcentage de déclarations des entreprises de 10 à 50 millions. Mais en se basant sur la population cible déjà soumise à ces déclarations, il me semble que nous avons fait des progrès notables. En d’autres termes, nous avons pris au sérieux cette loi sur les délais de paiement, ce qui n’était pas le cas auparavant”.

Parallèlement, M. Diouri a fait remarquer que les entreprises tendent à converger vers les 120 jours.

Pour lui, il s’agit d’une double convergence, puisque d’un côté, les entreprises qui étaient en retard se rapprochent des 120 jours, et de l’autre, celles qui étaient en avance se rapprochent également de cette norme.

Ainsi, pour une moitié des entreprises, l’effort consenti pour se rapprocher des 120 jours a un impact financier, tandis que pour l’autre moitié, la loi a créé un besoin financier supplémentaire, avec l’allongement des délais.

Par ailleurs, M. Diouri a fait état de différences importantes entre les secteurs public et privé. “Le secteur public est en avance en matière de transparence, puisqu’il existe des déclarations mensuelles concernant les délais de paiement des grandes entreprises publiques, ce qui permet un suivi précis”.

Il a également indiqué que le secteur privé est impliqué dans des crédits inter-entreprises atteignant 300 milliards de dirhams (MMDH), alors que les crédits du secteur public représentent 50 MMDH ou 100 MMDH.

“Dès lors, le rapport de force n’est pas le même. C’est principalement dans le privé que la question des délais de paiement est cruciale, ce qui justifie l’intervention de la loi pour adapter le cadre législatif afin d’améliorer l’efficacité de la régulation et cibler ces 300 MMDH”, a-t-il estimé.

Allongement des délais de paiement : À qui la faute ?

L’allongement des délais de paiement est attribuable à une série de facteurs. C’est ce qu’a noté M. Diouri qui pointe du doigt des facteurs d’ordre structurel et notamment culturel.

Il a aussi cité la situation financière des entreprises. “La santé financière des entreprises est un enjeu majeur. En effet, ces dix dernières années, les défaillances d’entreprises ont augmenté de 15% en moyenne par an, ce qui est considérable. Cela impacte particulièrement les TPE et une partie des PME, qui rencontrent de réelles difficultés financières”.

Un autre facteur concerne les processus internes des entreprises. Le processus d’émission des factures, la gestion des contrats, la conformité des systèmes de facturation, etc., pourraient aussi provoquer des retards dans le paiement, a expliqué M. Diouri.

L’expert a, en outre, évoqué la question de la sélection des partenaires en amont qui devrait être basée sur des données fiables. “Avant même que l’entreprise ne devienne cliente, il est important d’évaluer sa santé financière et son passé, notamment en examinant si ses dirigeants gèrent d’autres entreprises en difficulté. Ces questions doivent être traitées dès la phase de sélection”.

Il a insisté, à cet égard, sur la nécessité de maintenir un suivi régulier des portefeuilles clients.

Force est de constater que le dossier des délais de paiement continue d’avancer avec cette loi qui devrait être appuyée par une véritable transformation des pratiques commerciales et une sensibilisation accrue des entreprises, grandes et petites, à même de faire des délais de paiement une force, et non une faiblesse, du tissu entrepreneurial national. MAP

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