Maroc: L’enseignement supérieur privé attire moins d’étudiants
L’enseignement supérieur privé a fait l’objet d’une radioscopie de son efficacité et de son Système de contrôle et de régulation. Les Détails du Rapport annuel de la cour des comptes au titre de 2023-2024
Améliorer l’efficacité du système pour un développement du secteur
Le secteur de l’enseignement supérieur privé (ESP) a connu un développement significatif, avec un nombre d’établissements privés atteignant 196 établissements pour l’année académique 2022/2023, dont 67 rattachés à 10 universités privées.
La mission de contrôle réalisé par le Cour, qui a concerné la période 2010- 2022, a abordé principalement le cadre général de l’ESP, la conception et le déploiement, du système de contrôle et de régulation de l’ESP, ainsi que la mise en œuvre effective du système de contrôle et de régulation par le ministère de tutelle.
Concernant le cadre général de l’ESP, le secteur a connu ces deux dernières décennies des progrès significatifs tant en termes de nombre d’étudiants inscrits (de 10.146 en 2000 à 66.817 en 2023), que de la structure des établissements qui ont adopté le modèle d’ »universités privées », de diversité des filières enseignées, de la reconnaissance par l’État de certains établissements, ainsi que de la concrétisation des partenariats entre des établissements d’ESP et l’État. Cependant, malgré ces évolutions notables sur les plans quantitatif et qualitatif, il a été constaté un ralentissement du rythme de la croissance annuelle du nombre d’étudiants inscrits durant la dernière décennie. En effet, le taux de croissance annuelle moyen (TCAM) a atteint +13%, pendant la période 2000-2010, alors qu’il n’a pas dépassé +5% pendant la période 2010-2023.
Par ailleurs, il a été noté que l’ESP ne fait pas l’objet d’une vision claire ni d’une stratégie avec des objectifs spécifiques, traduits en plans d’action, révisés et évalués de manière périodique.
Concernant la conception et le déploiement du système de contrôle et de régulation de l’ESP, ce système présente des écarts par rapport aux bonnes pratiques internationales. A titre d’exemple, l’Agence Nationale d’Evaluation et d’Assurance Qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (ANEAQ) est soumise à la tutelle administrative du ministère chargé du secteur et son rôle au niveau de l’ESP reste principalement consultatif, ne comprenant pas les prérogatives d’octroi ou de retrait des autorisations, de l’accréditation et de la reconnaissance des établissements d’ESP.
En outre, le cadre juridique régissant l’ESP reste incomplet et peu adapté aux nouvelles réalités du secteur. En effet, plusieurs textes d’application ne sont pas encore adoptés, tandis que d’autres ne couvrent pas tous les aspects nécessaires. En outre, le cadre actuel de partenariat entre l’État et certains établissements d’ESP nécessite davantage d’éclaircissement.
Par ailleurs, le système de régulation et de contrôle de l’ESP n’est pas couvert par un système d’information global et intégré, capable d’assurer une couverture globale du secteur et de garantir le contrôle efficace des établissements.
Concernant la mise en œuvre du système de contrôle et de régulation de l’ESP, elle connaît plusieurs insuffisances qui limitent son efficacité pour assurer l’encadrement du secteur, son suivi de manière appropriée, ainsi que son développement et le renforcement de sa qualité et de son attractivité. Ces insuffisances touchent les principales phases de mise en œuvre du système de contrôle et de régulation. En effet, celui-ci ne permet pas d’assurer une couverture adéquate de la phase d’autorisation, d’accréditation et de reconnaissance des établissements, de la phase de suivi et de contrôle, ainsi que de la phase d’identification des anomalies, de mise en œuvre des actions correctives et coercitives et d’application des sanctions prévues à l’encontre des contrevenants.
Ainsi, il a été constaté que les délais prévus pour le traitement des demandes d’autorisation sont souvent dépassés, et que les établissements ne font pas l’objet d’une vérification à postériori par les services du ministère chargé de l’enseignement supérieur afin de s’assurer de la satisfaction des engagements pris, notamment en matière de disponibilité des moyens matériels et pédagogiques. Il a également été relevé que le contrôle administratif et pédagogique souffre d’une faible couverture des établissements d’ESP, et que plusieurs domaines importants pour le fonctionnement du secteur et la qualité de la formation ne sont pas couverts par le contrôle. Cela limite le suivi du secteur par les services du ministère et la détection des insuffisances de manière appropriée.
Par ailleurs, le ministère de tutelle ne prend pas, en temps opportun, des dispositions à même d’appliquer les mesures coercitives et correctives nécessaires, qui visent à corriger les insuffisances et les infractions relevées lors des contrôles. Cette situation devrait permettre de limiter les infractions et de favoriser la diffusion des bonnes pratiques dans le secteur.
Au vu de ce qui précède, et eu égard aux insuffisances structurelles que connaît le système actuel de contrôle et de régulation de l’ESP, impactant négativement son efficacité et partant sa contribution au développement du secteur, la Cour des comptes a recommandé au Chef du gouvernement de réviser le cadre juridique et institutionnel dudit système en conformité avec les bonnes pratiques internationales, et ce dans l’optique de converger vers une instance de régulation et de contrôle indépendante.
La Cour a également recommandé au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation d’élaborer une vision claire et une stratégie formalisée pour le développement du secteur de l’ESP, de développer et renforcer la coordination des activités des différents acteurs et intervenants en matière d’évaluation et de contrôle, ainsi que d’établir un cadre qui régit le partenariat public-privé. De plus, la Cour a recommandé au ministère de réviser le régime d’autorisation, de reconnaissance des EESP, d’accréditation des filières par l’État et les mécanismes de contrôle administratif et pédagogique, ainsi que de veiller à la mise en œuvre effective, le cas échéant, des mesures coercitives prévues par les textes réglementaires en vigueur.