L’industrie suisse est à la peine
Licenciements, fermetures, commandes en baisse: le secteur industriel est en souffrance. Des experts décryptent cette évolution.
Ce début de semaine, c’est contre la fermeture d’une aciérie de Stahl à Gerlafingen que manifestaient ses employés à Berne. La semaine dernière marquait la fin du démantèlement de la verrerie vaudoise Vetropack à Saint-Prex. L’horlogerie, elle aussi, fait face à une passe difficile. En résumé, c’est toute l’industrie suisse qui fait la grimace depuis des années. Le signal d’un secteur qui souffre, mettent en garde plusieurs chercheurs.
Des emplois pour toutes les qualifications
Pour Thomas Friedli, professeur d’économie d’entreprise à l’Université de Saint-Gall, cette tendance découle de l’augmentation constante de la productivité: avec une meilleure infrastructure, on obtient le même résultat plus vite, et avec moins de bras. Une évolution similaire est constatée dans l’agriculture. Ce qui pourrait être réjouissant: «Ce sont des emplois peu attrayants dont on n’a plus besoin», tandis que la plupart des travailleurs retrouvent du travail. Mais le secteur de l’industrie offre des possibilités d’emploi à tous les niveaux de qualification, rappelle le chercheur. «C’est ce qui le rend si important pour l’ensemble de la société».
La Suisse pas compétitive sur l’énergie et les salaires
Une autre cause du recul de ces activités est la force du franc, et les prix élevés, par exemple pour l’énergie ou les salaires. Dans ces domaines, la Suisse fait face à la rapide industrialisation de pays comme la Chine. Et pour George Sheldon, économiste de l’industrie à l’Université de Bâle, cette division du travail va continuer à s’internationaliser: «De plus en plus d’activités simples et répétitives migrent vers des pays à bas salaires, laissant derrière elles une part croissante d’emplois plus exigeants, qui requièrent des qualifications plus élevées.» La faute à l’Etat, par son absence de politique industrielle, et aux entreprises elles-mêmes, qui devraient mieux se positionner, estime-t-il.
Et le risque, c’est l’interdépendance, qui rend tout le système plus vulnérable, rappelle Tobias Straumann, historien économique à l’université de Zurich. Qui juge tout de même que la mondialisation a des bons côtés, comme l’élévation du niveau de vie, par exemple en Chine.
Les politiques demandent des mesures
Des centaines de personnes manifestaient lundi contre les 120 licenciements prévus chez Stahl, notamment à cause de la hausse du prix de l’énergie. Côté politique, le PS et l’UDC demandent depuis le printemps dernier au Conseil fédéral de sauver l’entreprise, et de nouvelles motions ont été mises à l’ordre du jour de la session parlementaire de décembre, tandis que le PLR suggère l’utilisation du chômage partiel pour atténuer la situation. Ce dernier estime toutefois qu’un sauvetage ou des subventions seraient une pente glissante en matière de concurrence; le Conseil fédéral devait s’en tenir à la production d’énergie bon marché comme mesure de soutien.
Quelque 10’000 personnes ont par ailleurs signé une pétition pour le maintien de l’entreprise, considérée par certains comme une partie de la solution au changement climatique par sa production d’acier recyclé en Suisse, mais aussi comme un atout pour l’indépendance de la Suisse. 20min.ch
(rmf)