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Les médecins maghrébins de France envisagent l’émigration avec la montée de l’extrême droite

Dans la ville du sud de la France où travaille le médecin tunisien Tasnime Labiedh, le Rassemblement national (RN), parti d’extrême droite, est arrivé en tête avec 41 % au premier tour des élections françaises. Aujourd’hui, elle envisage de s’installer en Suisse.

« Nous ne sommes déjà pas gâtés ici, mais si nous avons (Jordan) Bardella comme premier ministre, ce sera sinistre. Ils jouent sur la peur de l’autre », a déclaré Mme Labiedh, 33 ans, en faisant référence au président du RN.

Elle s’est installée en France en 2021, lors de la pandémie de COVID-19, pour effectuer son internat de médecine et travaille aujourd’hui comme microbiologiste avec un salaire inférieur à celui de ses homologues français.

Après l’arrivée en tête du RN au premier tour des élections législatives de dimanche dernier, certains médecins d’origine étrangère se demandent s’ils resteront dans un pays qui, selon eux, ne respecte pas leurs droits et ne les accueille pas comme il se doit.

Les sondages prédisent que le RN obtiendra le plus grand nombre de sièges au Parlement, mais pas la majorité.

Parmi les 11 médecins d’origine ou de nationalité nord-africaine interrogés par Reuters, six ont déclaré qu’ils envisageaient de quitter la France en raison de la situation politique. Un médecin a émigré au Canada il y a un mois.

Avec seulement 3,17 médecins pour 1 000 habitants, la France est, après le Luxembourg, le pays de l’OCDE où la pénurie de médecins est la plus grave. Dans la ville de Labiedh, il y a 1,73 médecin pour 1 000 habitants.

« Nous vivons dans une immense hypocrisie. L’extrême droite prospère en France sur le thème de l’immigration, les migrants étant présentés comme un problème. Mais si demain les migrants cessaient de travailler, c’est tout notre système économique et social qui serait paralysé », a déclaré à Reuters Hicham Benaissa, sociologue au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Dans une étude portant sur 350 médecins d’origine maghrébine en France, qui devrait être publiée l’année prochaine, M. Benaissa a constaté que 75 % des médecins, y compris ceux qui ont été formés à l’étranger et ceux qui sont nés en France, envisageaient d’émigrer.

Le RN n’a pas répondu aux demandes de commentaires.

M. Bardella, le candidat le plus probable au poste de premier ministre si le RN défie les sondages et remporte une majorité de travail, a déclaré le mois dernier que « nos compatriotes de nationalité ou d’origine étrangère qui travaillent, paient leurs impôts, respectent la loi et aiment notre pays n’ont rien à craindre ».

La dirigeante du RN, Marine Le Pen, a déjà proposé de « réduire drastiquement » l’emploi de médecins diplômés en dehors de l’UE et de donner la priorité aux candidats français pour les postes à pourvoir.

En 2023, 29 238 médecins travaillant en France ont été formés en dehors de l’UE, soit une augmentation de 90,5 % par rapport à 2010, ce qui représente environ 7 % de la main-d’œuvre totale, selon le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM). Les médecins maghrébins représentent plus de la moitié d’entre eux.

Les médecins diplômés hors de l’Union européenne doivent passer des examens et effectuer des démarches administratives pour s’inscrire à l’Ordre des médecins, ce qui prend généralement de trois à cinq ans. Avant cela, ils sont moins bien rémunérés que les médecins français.

Widad Abdi, médecin et représentante du syndicat SNPADHUE des médecins diplômés hors UE, estime que les responsables politiques ne s’attaquent pas aux problèmes structurels.

« Qu’ils soient étrangers ou non, les médecins sont de plus en plus nombreux à partir – le système de santé ne les incite pas à rester : les conditions de travail, le salaire, les horaires, le nombre de patients a augmenté et le nombre de médecins a diminué.

DÉSERTS MÉDICAUX

Lors du premier tour des élections législatives, le RN a obtenu de meilleurs résultats dans les régions où l’accès aux soins de santé est faible, avec un taux de corrélation de -52 %, a montré l’analyse par Reuters des résultats et des données sur l’accès à un médecin local, un indicateur du succès du parti dans les zones rurales défavorisées.

Dans les villes où les candidats du RN sont arrivés en tête, plus d’un quart de la population n’a pas accès à un médecin local, contre 13 % dans les villes où le groupe du président Emmanuel Macron est arrivé en tête et 8 % dans les villes remportées par l’alliance de gauche.

L’amélioration de l’accès aux services de santé publique dans les zones à faible accès aux soins, surnommées « déserts médicaux », fait partie des promesses de campagne du RN.

Les médecins étrangers, ainsi que les médecins français issus de l’immigration, jouent un rôle essentiel dans ces zones, où les postes sont moins prestigieux que dans les hôpitaux des grandes villes, explique M. Benaissa.

À Alès, dans le sud de la France, la moitié des voix se sont portées sur l’IA. Leila Elamrani, médecin urgentiste, qui a quitté le Maroc en 2004 pour s’installer en France, explique qu’elle ressent la pression dans son service, qui accueille des patients des environs.

« Les gens n’ont pas de médecin généraliste, alors ils viennent ici pour un rhume, pour obtenir un certificat médical afin de prendre un congé de maladie », explique-t-elle. « Cela, ajouté au vieillissement de la population et au manque de ressources, crée un énorme gâchis.

Lydia Boumaarafi, médecin français d’origine algérienne spécialisée en addictologie, n’attend pas de voir ce qui va se passer. Elle a déménagé au Canada il y a un mois, en partie pour « son approche du multiculturalisme ».

« La situation atteint aujourd’hui son paroxysme (avec le vote en faveur du RN), mais le climat est déjà tel depuis un certain temps », a-t-elle déclaré. reuters

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