Analyse-Afrique du Sud: Séisme politique pour l’ANC, contraint à former une coalition
C’est désormais confirmé, l’ANC perd sa majorité absolue : jamais, depuis la fin de l’apartheid en 1994, un tel séisme politique ne s’était produit. Le 2 juin marque donc une date historique : celle de la fin de la domination du Congrès national africain (ANC).
Plombé par une croissance qui s’est de nouveau contractée de 0,1% au premier trimestre 2024, la montée des inégalités et de la criminalité qui sévit dans le pays, le chômage massif et la déliquescence des infrastructures publiques, le parti a recueilli à peine 40,2% des voix, soit 159 sièges sur 400, contre 230 en 2019.
Pour la première fois depuis la fin de l’apartheid, l’ANC devra former une coalition à l’Assemblée nationale pour conserver le pouvoir.
Pour autant, l’ANC reste le premier parti du pays, loin devant son principal concurrent, l’Alliance démocratique (DA), qui rassemble 21,7% des voix. La grande surprise, en revanche, est celle de l’Umkhonto we Sizwe (MK), parti de l’ancien président Jacob Zuma, qui est devenu, cette semaine, la troisième force politique du pays avec 14,5 % des voix.
Autre surprise, la participation électorale est loin d’être celle qui était espérée il y a quelques jours. En réalité, seuls 58% des inscrits se sont déplacés pour voter, contre 66% en 2019.
Cyril Ramaphosa, président sud-africain et de l’ANC, a estimé que les électeurs « attendent des partis pour lesquels ils ont voté qu’ils trouvent un terrain d’entente, qu’ils surmontent leurs différences […] et travaillent ensemble ».
Dans cette perspective, il revient à l’ANC de s’allier avec un ou plusieurs de ses principaux concurrents en vue de former un « gouvernement d’union nationale » : un exercice inédit et à haut risque pour la jeune démocratie sud-africaine, qui vit le crépuscule de la domination d’un parti historique.
L’ANC pourrait faire alliance avec le parti des Combattants pour la liberté économique (EFF), une formation d’extrême-gauche, et/ou le MK, qui souhaitent tous les deux réviser la Constitution. Autre configuration possible, l’ANC pourrait s’allier avec son principal opposant, le DA, qui plaide pour des réformes libérales et pousse pour un modèle de gouvernance au niveau local. Ainsi, deux scénarios se dessinent : d’un côté, un gouvernement aux tendances populistes, de l’autre, une relation plus stable entre deux partis centristes.
Toutefois, chacun des partis cités adopte une stratégie différente et n’envisage pas de la même manière une éventuelle coalition avec l’ANC.
Du côté du MK, on ne réclame rien de moins que le départ de Cyril Ramaphosa alors que le parti a dénoncé, cette semaine, « une fraude électorale ». L’EFF, quant à lui, s’est dit prêt à « travailler » avec l’ANC, tandis que l’Alliance démocratique assure qu’aucun accord ne sera passé sans que le parti ne revienne notamment sur les politiques de discrimination positive destinées à corriger les inégalités issues de l’apartheid.
La vie politique sud-africaine vient d’entrer dans une nouvelle ère au sein de laquelle l’ANC se voit contrainte d’œuvrer à certaines coalitions au Parlement, qui sera chargé d’élire le prochain président courant juin. Cette situation attire l’attention des agences de notation à l’instar de Moody’s qui a déclaré, cette semaine, « qu’un gouvernement de coalition sud-africain pourrait compliquer la mise en œuvre des politiques fiscales, économiques et sociales qui permettraient de remédier aux faiblesses structurelles du pays ». Pour rappel, le pays reste en proie à une double crise [énergétique et logistique] liée à la détérioration des infrastructures ferroviaires et portuaires qui devraient encore peser sur les perspectives de croissance du pays à court terme, estimées à 0,9% en 2024 par le FMI : des chiffres largement insuffisants pour lutter contre le chômage et la pauvreté endémiques.
Notre opinion – La vie politique sud-africaine vient d’entrer dans une nouvelle ère au sein de laquelle
l’ANC se voit contrainte d’œuvrer à certaines coalitions au Parlement, qui sera chargé d’élire le prochain
président courant juin. Cette situation attire l’attention des agences de notation à l’instar de Moody’s qui a déclaré, cette semaine, « qu’un gouvernement de coalition sud-africain pourrait compliquer la mise en
œuvre des politiques fiscales, économiques et sociales qui permettraient de remédier aux faiblesses
structurelles du pays ». Pour rappel, le pays reste en proie à une double crise [énergétique et logistique] liée à la détérioration des infrastructures ferroviaires et portuaires qui devraient encore peser sur les
perspectives de croissance du pays à court terme, estimées à 0,9% en 2024 par le FMI : des chiffres
largement insuffisants pour lutter contre le chômage et la pauvreté endémiques
Thomas MORAND, Economiste (alternant)
Crédit Agricole S.A. — Direction des Études Économiques