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Pourquoi Fitch confirme le Maroc à « BB+ » ?

L’agence de notation Fitch Ratings a annoncé vendredi qu’elle a confirmé la note de défaut de l’émetteur (IDR) à long terme du Maroc en devises étrangères à « BB+ » avec une perspective stable.

Le comité de notation souveraine de Fitch a ajusté la sortie du Modèle de notation souveraine (SRM)  pour arriver à l’IDR final du LT FC  comme suit :

– Macro : +1 cran, pour compenser la détérioration de la volatilité de la croissance du PIB entraînée par la pandémie et la forte inflation issue de la guerre en Ukraine. Cette note reflète également le cadre politique solide du Maroc, qui a soutenu la stabilité macroéconomique et la résilience aux chocs.

Notations confirmées, perspectives stables : Les notations « BB+ » du Maroc sont soutenues par un historique de politiques macroéconomiques saines qui soutiennent la résilience aux chocs, un fort soutien officiel des créanciers, une composition favorable de la dette et des réserves de liquidités confortables. À ces atouts s’opposent des indicateurs de développement et de gouvernance inférieurs à ceux de ses pairs, un déficit budgétaire et une dette publique élevés, ainsi que la vulnérabilité du Maroc aux conditions météorologiques défavorables.

Impact du tremblement de terre : Le Maroc a connu un tremblement de terre dans le Haut Atlas début septembre, faisant plus de 3 000 morts et entraînant la destruction d’habitations et d’infrastructures. Nous supposons que l’impact économique du tremblement de terre sera limité en 2023, car les zones n’abritent pas de centres d’activité industrielle clés tels que le secteur de la construction automobile. Même si le séisme pourrait quelque peu perturber la reprise du tourisme, les recettes du secteur étaient déjà supérieures au niveau d’avant la pandémie (8M23 : 71,4 milliards de dirhams ; +32,5% sur un an).

Pressions sur les dépenses et Consolidation lente : Fitch prévoit un déficit du gouvernement central de 5 % du PIB en 2023, contre 5,2 % en 2022. Une légère croissance des recettes (+0,9 % en glissement annuel jusqu’en septembre) a été soutenue par une hausse des recettes fiscales, mais les dépenses publiques a été confrontée à des pressions à la hausse (+7,2 % en glissement annuel), la sécheresse ayant affecté l’approvisionnement alimentaire et une inflation élevée. Même si les subventions au gaz ont été inférieures aux prévisions, les subventions à l’alimentation et aux agriculteurs ont augmenté et les investissements dans les infrastructures hydrauliques se sont accélérés.

Déficits élevés et risques budgétaires : Nous prévoyons que le déficit du CG diminuera à 4,8 % du PIB en 2024 et à 4 % en 2025, au-dessus de la prévision médiane « BB » de 3,2 %, mais des risques importants pèsent sur le scénario de consolidation budgétaire progressive. Premièrement, les autorités ont annoncé un plan de reconstruction de 120 milliards de dirhams (8,5% du PIB) sur cinq ans. Nous supposons que le gouvernement supportera une partie du coût de la reconstruction, reflété par des dépenses d’investissement plus élevées, par le biais de dépenses budgétaires, mais le rythme d’exécution reste incertain.

Les efforts de reconstruction coïncideront avec le démarrage d’un programme de transferts monétaires en faveur des ménages vulnérables, qui vise à supprimer progressivement des subventions coûteuses (gaz butane, sucre, blé) estimées à 2,2% du PIB en 2023 (après à 3,1% en 2022). Les recettes pourraient bénéficier d’efforts de mobilisation, notamment de la réforme du système d’impôt sur les sociétés et de l’harmonisation de la TVA, ainsi que de la monétisation des biens publics. Les efforts de reconstruction pourraient accroître les défis liés à la mise en œuvre du nouveau modèle de développement, qui vise à augmenter les dépenses sociales de 4 % du PIB d’ici 2025 pour améliorer l’éducation et la santé et étendre les prestations sociales.

Dette élevée, structure favorable : Nous prévoyons que la dette du CG augmentera pour atteindre 74,1 % du PIB d’ici 2025, contre 71,6 % en 2022 selon notre scénario de référence actuel de consolidation budgétaire. Nous prévoyons que la dette publique (consolidant la CG, la sécurité sociale et les collectivités locales) atteindra 67,9 % du PIB en 2025, contre 66,2 % en 2022, soit nettement au-dessus de la médiane « BB » projetée de 51,9 %. La part de la dette CG libellée en dirhams est élevée à 73,1% (fin 2022), et près de 90% est à taux fixe, limitant les risques de change et de taux d’intérêt.

La flexibilité financière du Maroc repose sur l’accès à une large base d’investisseurs nationaux et sur un fort soutien des créanciers publics, qui, nous l’espérons, contribueront à financer les coûts liés à la reconstruction et des besoins d’emprunt plus élevés.

Reprise de la croissance, risques climatiques : La croissance du PIB réel a ralenti à 1,3% en 2022, reflétant la baisse de la production agricole (-12,9%). Fitch prévoit une croissance du PIB à 2,7 % en 2023, tirée par les effets de base liés à l’amélioration de l’agriculture, et les efforts de reconstruction pourraient stimuler la croissance économique en 2024 et 2025, atteignant respectivement 3,2 % et 3,3 %, soutenus par les dépenses d’infrastructure et de solides performances industrielles. et la reprise de la consommation intérieure.

Cependant, la croissance du Maroc reste vulnérable au niveau des précipitations et à la normalisation de l’agriculture. En outre, la détérioration de la situation économique mondiale, augmentant la volatilité des prix des matières premières et alimentant les pressions inflationnistes, ainsi qu’un ralentissement dans la zone euro constituent des risques à la baisse pour nos perspectives de croissance.

Allégement des pressions inflationnistes : L’inflation a culminé à 10,1 % en février avant de retomber à 5,0 % en août, en raison de restrictions temporaires à l’exportation et de la baisse des prix de l’énergie. Nous prévoyons que l’inflation s’établira en moyenne à 5,8 % en 2023 et tombera à 2,4 % en 2025, en dessous de la médiane projetée de 3,4 % « BB », à mesure que les prix de l’énergie et les anticipations d’inflation diminueront et que la production agricole s’améliorera. En septembre, la banque centrale a maintenu son taux directeur à 3 %, en raison du ralentissement de l’inflation et des incertitudes liées à l’évolution internationale et aux impacts du tremblement de terre.

Diminution des déficits du compte courant : Fitch prévoit que le déficit du compte courant (CAD) se réduira à 2 % du PIB en 2023, principalement grâce à une réduction de la facture des importations due à la baisse des coûts de l’énergie, à de fortes exportations industrielles et à la reprise du tourisme. Cependant, le CAD s’élargira légèrement pour atteindre 2,5 % en 2025, à mesure que les importations augmenteront en raison de la reprise de la demande intérieure. Nous prévoyons que les exportations resteront robustes, mais sujettes à un ralentissement dans la zone euro.

Fortes réserves de liquidité : les réserves de change du Maroc se sont améliorées en 2023, grâce à l’émission d’euro-obligations (2,5 milliards de dollars) et à de solides performances à l’exportation, atteignant 35,3 milliards de dollars en septembre 2023. Nous prévoyons une couverture des réserves, en moyenne de 5,9 mois de paiements extérieurs courants en 2024. -2025, pour rester plus fort que ses pairs (4,4 mois pour la médiane prévisionnelle « BB »), soutenu par des dollars plus faibles et une augmentation des IDE.

ESG – Gouvernance : Le Maroc a un score de pertinence ESG (RS) de « 5 » tant pour la stabilité politique et les droits que pour l’État de droit, la qualité institutionnelle et réglementaire et le contrôle de la corruption. Ces scores reflètent le poids élevé des indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale (WBGI) dans notre modèle exclusif de notation souveraine. Le Maroc a un classement WBGI moyen à 41,6, reflétant un niveau modéré de droits de participation au processus politique, une capacité institutionnelle modérée, un État de droit établi et un niveau modéré de corruption. La stabilité politique a été préservée au Maroc au cours de la dernière décennie sur fond de troubles récurrents dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, mais les tensions sociales ont conduit à des manifestations récurrentes dans plusieurs provinces dans un contexte de chômage toujours élevé, affectant particulièrement les jeunes urbains.

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