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Québec: le nombre de personnes vivant dans la rue explose

Une société «riche» avec des sans-abris par milliers: le nombre de personnes vivant dans la rue explose au Québec, où le phénomène atteint maintenant les petites villes, faute de logements abordables. Alors que leur présence a longtemps été concentrée sur Montréal, c’est maintenant un sans-abri sur deux au Québec qui vit dans les régions, selon un nouveau rapport de la province, publié en septembre.

Dans le bois à proximité d’un cimetière de Granby – ville de 70’000 habitants à 80 kilomètres à l’est de Montréal –, vit depuis quelques mois Danny Brodeur-Côté, expulsé en juin de l’appartement qu’il louait avec sa copine. «Je travaille cinq jours par semaine», raconte ce concierge, trimballant un panier de courses jusqu’à son campement.

À 39 ans, c’est la première fois de sa vie qu’il se retrouve à la rue. «Le peu de logements qu’il y a sont beaucoup trop chers», explique celui qui a toujours connu «la stabilité». Près de là, un parc municipal s’est récemment transformé en camp de fortune où vivent hommes et femmes de tous âges, certains comme Danny ayant un emploi.

En quatre ans, +44%

Près d’une personne sans abri sur quatre (23%) s’est retrouvée à la rue après avoir été expulsée d’un logement, précise ce même rapport du gouvernement québécois. «À Granby seulement, on a besoin au minimum de 1000 logements abordables», explique Karine Lussier, directrice d’un organisme local de lutte contre la pauvreté.

Entre 2018 et 2022, le nombre de sans-abris au Québec a augmenté de 44%, pour atteindre 10’000 personnes l’année dernière. Les autochtones, qui représentent 5% de la population canadienne, sont «particulièrement surreprésentés» dans les rues, «en particulier les Inuits».

«L’itinérance visible n’existait pas il y a trois ans à Granby», affirme la maire, Julie Bourdon, admettant que «les loyers sont très élevés maintenant, comparativement à il y a deux ans». La ville, plutôt que de démanteler les campements et relocaliser les occupants, a décidé d’opter pour le maintien de ce qu’elle appelle des «lieux de tolérance».

Les chiffres datent…

La situation, croit France Bélisle, maire de Gatineau – ville de près de 300’000 habitants adjacente à la capitale Ottawa –, pourrait même être bien pire que ce que révèlent les récentes statistiques, car ce sont «les chiffres compilés il y a un an».

Avec la hausse du coût de la vie et l’inflation galopante de cette année, les gens «ne sont plus capables de joindre les deux bouts», affirme l’édile, précisant que les sans-abris ne correspondent plus, aujourd’hui, au stéréotype des personnes ayant des problèmes d’addiction ou de santé mentale.

En attendant de trouver un des rares toits encore à prix décent, Danny Brodeur-Côté va encore devoir se laver dans la rivière avant de se rendre au travail. «Je n’ai jamais demandé un sou à mes parents, à part il y a trois mois», explique-t-il, ne sachant pas de quoi auront l’air les prochains mois, à l’approche de l’hiver.

«Une tempête parfaite»

La crise immobilière est sur toutes les lèvres et la pression de l’opinion publique et des partis de l’opposition oblige les gouvernements à prioriser cet enjeu. «On se retrouve dans une situation où même les gens bien nantis ont des difficultés avec le logement», a reconnu, mi-septembre, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau. Son homologue du Québec, François Legault, a pour sa part qualifié la conjoncture actuelle de «tempête parfaite». Cette crise «n’est pas acceptable dans une société quand même riche et moderne». De plus, avec la rareté des logements et la hausse des prix des loyers et des maisons, sortir de la rue sans aide relève pratiquement de l’impossible, estime Karine Lussier, directrice d’un organisme de lutte contre la pauvreté à Granby. «On est outrés, tristes et fâchés, parce que ça fait des années qu’on dit «Attention, on se dirige presque vers une crise humanitaire.»

(AFP)

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