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Maroc: Le paradoxe d’emploi sans ou avec peu de croissance!

Le taux de croissance économique s’est situé à 0,3% au premier trimestre 2022 avec un taux de chômage de 12,1%. A la même période en 2023, le taux de croissance économique s’est élevé à 3% avec un taux de chômage de 12,9%.

Comment expliquer ce paradoxe d’emploi sans ou avec peu de croissance? Nous avons posé la question à deux économistes marocains.

Je n’ai aucune raison de penser que les données que vous citez ne sont pas exactes. Pourtant, je n’y vois aucun paradoxe. Vous posez la question de la relation entre la croissance économique et l’emploi. En 2022, au premier trimestre, on a une croissance faible et un taux de chômage élevé et 2023, au même trimestre, on a une croissance plus élevée et un chômage plus élevé. On s’attend à une relation inverse ou négative : plus de croissance devrait correspondre à moins de chômage. Mais il faut tenir compte des éléments suivants :

1) La relation chômage-croissance n’est pas entre le chômage et la croissance d’un même semestre. La croissance dans un semestre n’est pas le produit de l’emploi durant ce même semestre. Lorsqu’on emploie des travailleurs, il faut un délai pour que la production augmente. Et même si la production augmente, il n’est pas certain que la valeur ajoutée (chiffre d’affaires moins les salaires et les consommations intermédiaires) augmente.

2) La croissance économique macroéconomique est une moyenne des variations de la valeur ajoutée dans différents secteurs d’activité. Or certains secteurs sont de gros utilisateurs du capital humain et d’autres secteurs croissent en augmentant leur capital technique. Ces derniers secteurs peuvent enregistrer une croissance de leur valeur ajoutée avec le même niveau d’emploi ou même avec moins d’emploi. La relation entre la croissance économique macroéconomique et l’emploi est donc variable en fonction des secteurs qui mènent la croissance au cours d’une année ou d’un trimestre.

3) Si l’on considère cette relation au niveau macroéconomique et pour un certain nombre d’années, il est indéniable que la croissance économique au Maroc n’est pas « productrice » de beaucoup d’emplois. Faut-il le déplorer ? On peut y remédier en accélérant la croissance économique. Comment. C’est là une toute autre question vaste. On peut y remédier aussi en créant de l’emploi immédiatement utile sur le plan social et qui sera utile à terme sur le plan économique, dans des secteurs « non productifs », dans la recherche-développement, dans les services publics à apporter aux vieux, aux personnes nécessiteuses (dont les mendiants), dans les secteurs hydrique et énergétique, dans la lutte contre toutes formes de pollution,…

Mohamed Chiguer, Economiste

La raison, me semble-t-il, réside dans le fait que le taux de croissance est calculé sur la base de la VA captée par la comptabilité nationale alors que le chômage est déterminé sur la base d’une enquête couvrant l’ensemble des économies marocaines ( formelle, informelle, sous-terraine et illégale). Autrement dit, le lien entre la croissance et le chômage est problématique.

En plus, de mon point de vue, la croissance ne crée pas automatiquement des emplois, comme on peut aussi créer des emplois hors croissance.

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