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Rapport: La pénurie d’eau dans la région MENA

« Si les principaux facteurs de pénurie d’eau sont liés à la démographie et à la croissance économique, le coût de l’inaction climatique est beaucoup plus élevé
dans la région MENA que dans d’autres régions du monde. Le maintien des formes actuelles de gestion et d’attribution de l’eau pourrait coûter à la région entre 6 % et 14 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici 2050, contre une réduction moyenne du PIB mondial de moins de 1 % à la même échéance.
Les données font apparaître des arbitrages socioéconomiques difficiles. Les prélèvements d’eau pour l’agriculture dans la région MENA (83 %) sont supérieurs à la moyenne mondiale (70 %), ce qui témoigne du rôle crucial de l’irrigation dans cette région aride. Les volumes d’eau considérables destinés au secteur
agricole contrastent avec la baisse de la contribution de l’agriculture au PIB, bien qu’elle reste une importante pourvoyeuse d’emplois.

Les institutions du secteur ont eu du mal à ce que les exploitants agricoles qui
irriguent leurs terres le fassent de façon à maintenir les prélèvements d’eau dans des limites viables (en clair, leur légitimité à le demander a été contestée). En revanche, face aux limites écologiques des ressources en eau renouvelables disponibles, le dessalement et la réutilisation des eaux usées ont considérablement
progressé. Au total, 50 % des activités de dessalement et 40 % des initiatives de réutilisation des eaux usées dans le monde interviennent dans les pays de la région MENA.
En moyenne, l’eau dessalée produite avec les technologies actuelles coûte quatre à cinq fois plus cher que l’eau de surface traitée, utilisant 23 fois plus d’énergie. Le dessalement de l’eau pour la production agricole n’est actuellement possible que pour les produits haut de gamme, comme les fruits tendres destinés à l’exportation ; l’eau dessalée ne peut pas être utilisée dans la plupart des activités agricoles, telles que la production de céréales de base, l’eau y ayant une faible productivité
économique ».

C’est du moins ce qui ressort de la publication aujourd’hui du rapport de la Banque mondiale intitulé « L’économie de la pénurie d’eau dans la région MENA ».

Communiqué

Les populations du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) subissent une pénurie d’eau sans précédent. Un nouveau rapport de la Banque mondiale propose de mener différentes réformes institutionnelles et de gestion des ressources pour atténuer le stress hydrique dans la région.

Intitulé Aspects économiques de la pénurie d’eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : Solutions institutionnelles, le rapport relève que d’ici la fin de cette décennie, la quantité d’eau disponible tombera sous le seuil absolu de pénurie, fixé à 500 mètres cubes par personne et par an. Par ailleurs, il anticipe que d’ici 2050, 25 milliards de mètres cubes supplémentaires d’eau seront nécessaires chaque année pour répondre aux besoins de la région, ce qui exigerait la construction de 65 usines de dessalement de la taille de celle de Ras Al Khair, en Arabie saoudite, actuellement la plus grande au monde.

Les institutions qui gèrent aujourd’hui la répartition de l’eau entre des usages concurrents (en particulier pour l’agriculture et dans les villes) sont souvent très centralisées et technocratiques, ce qui limite leur capacité à rendre des arbitrages pour l’utilisation de l’eau au niveau local. Le rapport soutient qu’une plus grande délégation de pouvoir aux autorités représentatives locales en matière de répartition de l’eau, et ce, dans le cadre d’une stratégie nationale de l’eau, pourrait légitimer des décisions difficiles, contrairement à des directives imposées par des ministères éloignés du terrain.

« Les pénuries d’eau sont une grave menace pour les vies humaines comme pour les moyens de subsistance, car les agriculteurs et les villes se disputent cette précieuse ressource naturelle et sollicitent excessivement les systèmes d’alimentation, explique Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour la région MENA, qui a participé à Rabat à la présentation du nouveau rapport. Une nouvelle approche est nécessaire pour relever ce défi, notamment en déléguant davantage de contrôle aux autorités locales sur la façon dont l’eau est distribuée et gérée. »

Par le passé, les pays de la région MENA ont investi massivement dans de nouvelles infrastructures telles que les barrages. Ils ont exploité d’importantes ressources d’eau souterraine et accru leurs importations d’eau « virtuelle » en achetant des céréales et autres produits gourmands en eau à l’extérieur de la région. Cette stratégie a permis d’améliorer la production agricole et l’accès aux services d’approvisionnement en eau et d’assainissement dans les villes, mais le rapport constate que cette approche expansionniste atteint maintenant ses limites et que les pays seront contraints de faire des choix difficiles.

Les possibilités d’augmentation de la capacité de stockage de l’eau ne sont plus extensibles, les eaux souterraines sont surexploitées — avec des conséquences négatives sur la qualité de l’eau — et l’importation d’eau virtuelle expose les pays aux chocs mondiaux. Par rapport aux investissements antérieurs dans les barrages et l’exploitation des eaux souterraines, les coûts d’investissement dans les sources non conventionnelles telles que le dessalement de l’eau de mer et la réutilisation des eaux usées sont beaucoup plus élevés, ce qui exercera une pression supplémentaire sur les finances des pays.

Pour maximiser les possibilités d’accès aux financements climatiques et aux marchés financiers mondiaux, le rapport indique que les gouvernements de la région MENA devront mettre en place des institutions capables de convaincre ces marchés que les pays sauront générer des recettes pour honorer le service de la dette.

« L’octroi d’une plus grande autonomie aux entreprises de services d’eau pour qu’elles puissent se rapprocher de leurs clients et les informer des changements de prix pourrait également permettre de mieux faire accepter et respecter les structures tarifaires, et de ce fait limiter les risques de contestations et de troubles publics au sujet de l’eau, souligne Roberta Gatti, économiste en chef de la Banque mondiale pour la région MENA. Ce type de réformes pourrait aider les gouvernements à renouveler le contrat social avec la population de la région MENA et à renforcer la confiance dans l’État pour gérer la pénurie d’eau. »

Pour que les réformes institutionnelles aboutissent, le rapport préconise une communication claire sur la rareté de l’eau et sur les stratégies nationales en la matière, afin d’expliquer aux populations locales les motivations de certaines décisions. Cette approche a porté ses fruits dans des pays comme le Brésil et l’Afrique du Sud, où des actions de communication stratégique ont accompagné les réformes visant à réduire l’utilisation de l’eau en période de grande pénurie.

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