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La hausse du taux directeur n’a pas encore eu d’impact évident sur l’inflation

Selon la Banque mondiale, si le taux de croissance de l’IPC (indice des prix à la consommation)  reste obstinément élevé et ne parvient pas à converger vers les projections de BAM (3,9 pour cent pour 2023 et 4,2 pour cent pour 2024), de nouvelles hausses de taux d’intérêt pourraient se profiler à l’horizon. Une question se pose alors : pourquoi de nouvelles hausses ? Alors qu’il a été constaté dans le feu de l’action  que  « la politique monétaire n’est peut-être pas l’outil le plus efficace pour stabiliser les prix des produits qui dominent le panier de consommation des ménages les plus pauvres », note le dernier rapport de suivi de la situation économique (Hiver 2022-23) de la Banque mondiale. Soulignant que le dernier resserrement de la politique monétaire n’a (naturellement) pas encore eu d’impact évident sur l’inflation et le taux de change au Maroc. Les experts nous montrent Comment ?

Le taux de croissance annuel de l’IPC est passé de 8,3 à 8,1 pour cent entre septembre et octobre (juste après la première hausse des taux d’intérêt), mais est remonté à 8,3 pour cent en novembre et décembre. Cette hausse de l’inflation a été entraînée par des facteurs liés à l’offre exogènes, notamment la flambée des cours des matières premières et la baisse de la production agricole nationale. Bank-al-Maghrib (BAM) a relevé alors son taux directeur de 50 points de base en septembre 2022, avec un resserrement supplémentaire de même ampleur en décembre dernier. Il semble que les canaux de transmission de la politique monétaire ont plus impacté la sphère financière.

Bien qu’il soit encore tôt pour évaluer l’impact du resserrement, il existe diverses raisons d’affirmer que la répercussion des taux d’intérêt pourrait être limitée au Maroc, car le taux d’inflation du pays est principalement déterminé par ses niveaux passés (persistance) et par des facteurs externes. Selon les enquêtes de BAM, les anticipations d’inflation ont continué d’augmenter, passant de 3,6 pour cent au troisième trimestre à 4,8 pour cent au quatrième trimestre. Ces derniers mois, l’affaiblissement du dollar américain a entraîné une appréciation du dirham vis-à-vis du dollar. Cependant, il est resté proche de la limite supérieure de la bande de fluctuation. Au cours des trois premiers trimestres de 2022, le taux de change effectif nominal s’est déprécié de 1,9 pour cent cumulé, tandis que le taux de change effectif réel s’est déprécié de 4,2 pour cent.

Les effets  modestes

Les effets à court terme de la hausse des taux d’intérêt devraient être modestes. Divers facteurs limitent la répercussion des taux d’intérêt sur la production au Maroc : (i) malgré l’élargissement récent de la bande de fluctuation, le dirham reste arrimé à l’euro et au dollar, ce qui implique que les mouvements du taux de change n’amplifieront que modérément l’impact de la hausse des taux d’intérêt ; (ii) les volumes importants de la liquidité en circulation et les faibles niveaux d’inclusion financière qui caractérisent l’économie marocaine réduisent également l’efficacité de la politique monétaire ; (iii) plus de 85 pour cent des prêts au secteur privé sont contractés à taux fixe.

Dans ce contexte, une hausse des taux d’intérêt de 100 points de base devrait entraîner une baisse de la production d’environ 0,18 point de pourcentage, avec un pic après 9 trimestres. Les caractéristiques contractuelles de la plupart des prêts privés limitent l’impact immédiat de la hausse des taux d’intérêt sur les bilans des entreprises et des ménages, et donc sur la stabilité financière. Cependant, ces impacts pourraient éventuellement être ressentis par les agents économiques qui sont contraints de reconduire leurs obligations actuelles ou de contracter de nouveaux emprunts, et certains pourraient être poussés au surendettement dans un environnement de taux d’intérêt plus élevés. Le taux des créances en souffrance s’élève déjà à 8,8 pour cent du crédit total, contre 8,6 pour cent fin 2021 et 7,6 pour cent en décembre 2019, juste avant l’apparition de la pandémie. Malgré cette détérioration de la qualité de leurs actifs, les banques marocaines restent bien capitalisées et présentent un financement stable, une forte liquidité et une rentabilité relativement solide.

Par ailleurs, la Banque mondiale souligne, enfin, que la politique monétaire peut ne pas être un outil efficace pour influencer les prix des denrées alimentaires dans les économies émergentes et en développement, car ces produits sont particulièrement sensibles aux évolutions idiosyncratiques. Cela implique que la réduction des pressions sur les prix qui érodent le plus le pouvoir d’achat des ménages les plus pauvres ne peut être réalisée par la seule politique monétaire, et doit donc être complétée par d’autres outils de politique publique.

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