Experts

L’Entreprenariat féminin au Maroc

  • Meriem HOUZIR
  • Consultante en Environnement, Changement Climatique
  • Et Développement Durable (AlliaDev)
  • Spécialiste en approche « Genre »

L’entreprenariat féminin et de manière plus générale, l’Autonomisation Économique des Femmes (AEF), est un enjeu majeur de développement social, économique et politique du Maroc. Le gouvernement marocain a marqué plusieurs avancées législatives au niveau national (Code de la Famille, Loi Violence, INDH, etc.) et des engagements internationaux majeurs autour de l’AEF (CEDAW, Beijing, Agendas 2015 2030 ONU et Agenda UA 2063). Depuis 2012, le gouvernement s’est saisi du sujet de l’autonomisation économique des femmes au travers des Plans Gouvernementaux pour l’Égalité « ICRAM 1 et 2 ». En adoptant pour la période 2017-2021, le 2ème Plan Gouvernemental pour l’Égalité « ICRAM 2 » qui a dédié son premier axe au « Renforcement de l’employabilité et autonomisation économique des femmes », s’engage à travers cette priorité, à valoriser le capital humain féminin et à faciliter une plus grande contribution des femmes à la croissance économique et au développement durable du pays.

Au Maroc, l’autonomisation économique des femmes reste néanmoins limitée et se détériore depuis deux décennies. Le Maroc est 137ème sur 149 pays sur le Gender Gap Index, derrière des pays comme l’Algérie, l’Ethiopie, le Burundi et le Bangladesh. La participation des femmes à la vie économique compte parmi les plus faibles au monde (22% en 2018 vs 48% de moyenne mondiale, 10% d’entrepreneuriat féminin), et enregistre un recul depuis 20 ans (29% en 2000). Lorsqu’elles travaillent, les femmes ont des occupations précaires et 50% de l’emploi féminin est non rémunéré (2/3 des femmes rurales) ; 70% est peu ou pas qualifiée contre 50% pour les hommes, avec un écart d’au moins 20% sur la rémunération versus le salaire des hommes à poste égal. Des conditions de travail précaires empêchant les femmes de s’ouvrir au marché du travail, qui se trouve être non rentable pour le foyer. Enfin, les femmes sont plus touchées par le chômage, notamment pour les plus diplômées (33% de chômage chez les femmes vs 18% chez les hommes).

Dans ce contexte, la promotion de l’entrepreneuriat féminin constitue l’un des aspects de la maitrise de la femme des axes liés à l’économie que sont la création des unités génératrices de valeurs ajoutées et son intégration aux sphères politiques et autres. Toutefois, la définition de l’entrepreneuriat féminin au Maroc, dépend grandement de la reconnaissance des secteurs et activités économiques dans lesquels les femmes s’investissent. Certains ne considèrent que les entreprises du secteur formel, ce qui limite considérablement le nombre des femmes qui peuvent être considérées comme entrepreneures puisqu’une grande majorité d’entre elles sont présentes dans le secteur informel et réalisent des activités à domicile.

Actuellement, l’encouragement de l’entreprise féminine au Maroc s’inscrit dans le cadre d’une approche de promotion et d’amélioration de la situation de la femme dans les différents domaines de la vie active. Cet encouragement commence à porter ses fruits, puisqu’on constate une évolution remarquable de l’entrepreneuriat des femmes qui apparaît au niveau de leur contribution au développement économique. Le stimulus primordial de cette évolution de l’état d’esprit est l’avènement de la nouvelle Moudawana (code de la famille) qui a contribué à la vulgarisation d’une nouvelle culture fondée sur les principes de l’égalité effective entre la femme et l’homme.

Toutefois, le taux de l’entrepreneuriat féminin au Maroc demeure encore faible, s’inscrivant même en baisse pour passer de 12% en 2015 à 10% en 2018, malgré la mise en place de plusieurs mesures et programmes ciblés pour encourager les femmes entrepreneures. Pourtant, le potentiel est énorme. A en croire les chiffres de Deloitte, l’appétence de la femme marocaine à créer sa propre entreprise est d’environ 34%, contre 17% en France par exemple. 

La grande majorité des activités entrepreneuriales des femmes exerce dans le secteur artisanal, suivi de l’industrie et de l’agriculture. Ainsi l’entrepreneuriat féminin est de moins en moins limité aux secteurs classiques comme le commerce ou l’artisanat même si le tiers des femmes exercent toujours leur activité à domicile en milieu urbain contre presque les deux tiers en milieu rural. Une grande partie des femmes soit à titre individuel ou collectif exercent dans le secteur informel.

Le nombre d’entreprises créées par les femmes a certes augmenté, mais continuent à rencontrer des difficultés énormes qui, souvent, proposent leurs projets les plus ambitieux ou tempèrent leurs initiatives les plus audacieuses. L’association des femmes-chefs d’entreprises du Maroc (AFEM) a dévoilé que la contribution de la femme au développement économique de notre pays rencontre plusieurs problèmes structurels, qui bloquent l’avancement des femmes, chefs d’entreprise. Cette réalité s’explique par les facteurs suivants.  Tout d’abord les obstacles sociaux et culturels comme les attitudes négatives à l’égard des femmes dans les affaires et le fait que les femmes sont censées assumer d’autres rôles non sociaux, les restrictions concernant le choix du secteur d’activité, le manque de soutien de la part de la famille et le manque de mobilité.

Les deuxièmes types d’obstacles sont liés au niveau d’instruction car les femmes ont souvent un niveau d’instruction relativement inférieur à celui des hommes, elles reçoivent une éducation tendancieuse et leurs chances de suivre une formation supérieure ou professionnelle sont généralement réduites. Les obstacles infrastructurels limitent également le développement de l’entreprenariat au Maroc car les femmes peuvent rencontrer de grandes difficultés pour accéder au crédit, à la technologie, aux services d’appui, à la terre et à la formation économique, commerciale, fiscale.

Enfin, au Maroc le choix pour la femme de développer une activité rémunératrice est souvent dicté par la nécessité. La conviction culturelle sur la capacité de la femme à gérer une entreprise est souvent à l’origine de croyances erronées qui peuvent conduire à des stéréotypes discriminatoires de la femme.

Ainsi, pour contribuer à propulser les femmes entrepreneures marocaines au niveau escompté, une bonne connaissance de son environnement s’avère inéluctable, étant donné que la réussite des entreprises dirigées par les femmes est tributaire de plusieurs facteurs qui se réunissent dans leur combinaison la plus optimale. Parmi ces facteurs clés de succès, la participation de la femme entrepreneure à des réseaux et organismes d’accompagnement et de soutien.

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page