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ENTRETIEN-NABYL LAKHDAR DG DE L’ADMINISTRATION DES DOUANES ET IMPÔTS INDIRECTS (ADII)

  • « Concernant les plaintes que vous évoquez, à ma connaissance aucune demande n’a nécessité plus de 150 jours réglementaires. Ceci dit, je suis prêt à examiner ce ou ces cas si vous nous les transmettez »
  • « Une étude est en cours visant l’introduction de nouveaux moyens de contrôle de la contrebande, à travers notamment l’adoption de scellés électroniques pour le tracking des conteneurs, l’utilisation de drones pour le contrôle de la pentière et des moyens de transport, etc.»

LE: Certains importateurs se plaignent du retard pris dans le traitement de leur lettre de demande de position tarifaire qui peut aller jusqu’à 6 mois…?

NB: Dans le cadre de sa stratégie visant à se conformer aux standards internationaux et aux meilleures pratiques, l’ADII a mis en place un programme de décisions anticipées conformément aux dispositions de la Norme 9.9 de la Convention de Kyoto révisée ainsi qu’aux recommandations et directives de l’OMD et l’OMC. Le but est de fournir à ses clients des renseignements anticipés destinés à faciliter le respect des exigences douanières, à la demande des opérateurs économiques qui envisagent d’effectuer des opérations de commerce international en relation avec les réglementations en vigueur.  L’avantage majeur pour l’opérateur concerné est d’avoir la garantie légale que la décision sera appliquée au moment de l’importation ou de l’exportation, d’où son appellation « décision contraignante ». Elle concerne les trois éléments de l’assiette à savoir le classement tarifaire, les règles d’origine et les méthodes d’évaluation en douane.

 Cette facilitation aide les opérateurs à se fixer, particulièrement, sur : le classement tarifaire approprié des marchandises ; les droits et taxes applicables et/ ou les règles d’origine ; la mise en œuvre des différentes dispositions légales et réglementaires (licence d’importation/ d’exportation, mesures sanitaires et phytosanitaires, droit anti-dumping, normes, etc.) ; les statistiques du commerce et les études de faisabilité.

Pour faciliter la prise en charge de ces demandes, la procédure de la demande accompagnée des pièces constitutives des dossiers a été formalisée suivant la circulaire n°5822/232 du 25 juin 2018, avec possibilité de dépôt à distance au niveau régional ou central.

Concernant le volet traitement des demandes de décisions anticipées, et bien que la Douane dispose légalement d’un délai de 150 jours pour rendre  sa décision, à l’instar de ce qui est observé au niveau international, elle s’efforce de les rendre dans des délais plus courts, et notamment quand elle dispose de tous les éléments d’information nécessaires pour la prise de cette décision. Le traitement d’une demande peut parfois prendre plus de temps, notamment quand il s’agit de recueillir des informations précises, souvent techniques, auprès des demandeurs sur la composition des produits, sur le processus de fabrication ou sur les différentes utilisations des produits concernés. Parfois, l’examen de classement requiert le recours à des laboratoires d’analyse, voire à des consultations préalables auprès de l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD). Il n’est pas exclu non plus que l’ADII invite à des réunions les opérateurs concernés pour avoir des informations complémentaires, souvent non disponibles dans les dossiers présentés.

A noter que le traitement des demandes de décisions anticipées est sanctionné par la publication de circulaires en toute transparence sur le portail Internet de la Douane et accessibles aux opérateurs nationaux et étrangers.

Concernant les plaintes que vous évoquez, à ma connaissance aucune demande n’a nécessité plus de 150 jours réglementaires. Ceci dit, je suis prêt à examiner ce ou ces cas si vous nous les transmettez. 

Le problème de la position tarifaire et la valeur des produits reste toujours un casse-tête. Pourquoi?

Comme je l’ai dit avant, le classement revêt à la fois un volet technique (technologie des produits concernant plusieurs secteurs (chimie et parachimie, métallurgie, textiles, électronique, agro-industries, etc.), processus de fabrication, caractéristiques techniques, conception etc..) et un volet  juridique (règles de classement préconisées par la convention sur le Système harmonisé).

Quant à l’appréciation de la valeur des marchandises à  l’importation, elle est effectuée conformément à la réglementation en vigueur (article 20 du code des douanes et suivants) en tenant compte des éléments déclarés tels le prix facturé, les frais de transport, l’assurance, l’origine,…, qui font l’objet de vérification au même titre que les autres éléments quantitatifs et qualitatifs de la déclaration en douane.

Afin d’uniformiser le traitement de la valeur au niveau national, l’Administration des Douanes a mis en place un dispositif préventif du contrôle de la valeur qui consiste en l’instauration d’indicateurs d’appréciation des valeurs déclarées en concertation étroite avec les associations professionnelles et les ministères concernés.

Ces indicateurs d’appréciation qui font l’objet d’actualisation permanente, permettent d’alerter le douanier lorsque la valeur déclarée est trop basse par rapport auxdits indicateurs ou par rapport aux valeurs des produits identiques ou similaires, objet de précédentes importations.

Dans ce cas de figure, la Douane se réserve le droit de demander à l’importateur ou au déclarant des justificatifs complémentaires attestant la véracité de la valeur déclarée : contrats, notices, catalogues, déclarations d’exportation, facturiers de vente, prix fournisseurs ou autres éléments de preuve.

Cette démarche a pour but d’assurer un traitement uniforme de la valeur mais également de contribuer à la régulation du marché à travers l’instauration d’un climat de concurrence loyale entre les divers opérateurs économiques et de contrecarrer, le cas échéant,  des manœuvres  frauduleuses de sous facturation.

 Quel bilan d’étape pour votre stratégie 2023 ?

Je rappelle tout d’abord que le plan stratégique de l’ADII à l’horizon 2023 est conçu autour de six objectifs stratégiques, déclinés en 31 projets. Il a retenu comme ambition : « Pour une relation basée sur la confiance ».

Il s’agit en fait du 3ème plan stratégique adopté par la Douane, capitalisant sur deux expériences réussies et lancées effectivement en juin 2020.

Globalement, le niveau de mise en œuvre de ce plan stratégique peut être considéré comme « très satisfaisant », dans la mesure où le taux de réalisation global atteint 68% à fin décembre 2021 et que les retours que nous avons de nos clients (institutionnels et associations professionnelles) sont très positifs.

Trois projets sur les 31 sont d’ores et déjà complètement clôturés.

Parmi les réalisations phares à ce stade, on peut citer l’ancrage de la digitalisation dans l’écosystème douanier qui s’est traduit notamment par la dématérialisation du certificat du dédouanement, du bon à délivrer, de la procédure d’importation des céréales et légumineuses, et des échanges des résultats de contrôle avec l’Etablissement Autonome de Contrôle et de Coordination des Exportations (Morocco Foodex). Aussi, l’allégement des exigences documentaires qui s’est également poursuivi par la suppression de l’avis d‘exportation et la dématérialisation des certificats d’origine ; l’accompagnement des projets structurants qui s’est poursuivi par une adhésion complète au chantier de la dématérialisation totale des procédures au niveau du port de Tanger-Med menée par TMPA.

Pour améliorer la qualité de service, l’ADII a lancé la plateforme web et mobile Diw@nati, destinée aux Chefs d’entreprise pour leur offrir une vue d’ensemble sur leurs opérations douanières et la possibilité d’en assurer le suivi au quotidien et en temps réel les aidant ainsi à optimiser leurs relations avec l’Administration des Douanes.

Pour assurer la fluidité des marchandises au niveau des postes frontaliers à l’import, l’adaptation du contrôle a été placée parmi les chantiers prioritaires de l’ADII à travers notamment la mise en œuvre du triple circuit au niveau du contrôle immédiat et l’automatisation en cours du contrôle a posteriori.

En matière de lutte contre la contrebande, un redimensionnement du dispositif mis en place a été opéré à travers une réorganisation des brigades des douanes opérant au niveau des zones concernées et le redéploiement d’une partie de leur effectif vers d’autres activités. Une étude est en cours visant l’introduction de nouveaux moyens de contrôle dans ce domaine, à travers notamment l’adoption de scellés électroniques pour le tracking des conteneurs, l’utilisation de drones pour le contrôle de la pentière et des moyens de transport, etc.

Autant de réalisations qui contribuent directement à l’amélioration de la compétitivité des entreprises et à la réduction des délais de dédouanement qui ont enregistré en 2021 une baisse de près de 18 % à l’import par rapport à 2020.

Comment la Covid-19 a-t-elle impacté vos actions et prévisions ?

Durant l’année 2020, la crise sanitaire mondiale de la Covid-19 a engendré un ralentissement de la demande mondiale générant une baisse des échanges extérieurs du Maroc.

Les importations ont enregistré une baisse de 14% en 2020 alors qu’un an auparavant elles marquaient une hausse de 2%. La baisse des importations est due au recul des importations de la quasi-totalité des groupes de produits, principalement les produits énergétiques (-26,5 MMDH), les produits finis de consommation (-18 MMDH), les biens d’équipement (-17 MMDH), les demi-produits (-11 MMDH) et les produits bruts (-3 MMDH). En revanche, les importations des produits alimentaires ont augmenté de 7,8 MMDH.

La baisse des importations durant l’année 2020 a généré un recul des recettes douanières qui a touché l’ensemble des rubriques. Ainsi, les recettes douanières budgétaires réalisées en 2020 se sont établies à 86,6 milliards de dirhams contre 101,5 milliards prévues, initialement, par la loi de finances pour l’année 2020, soit une baisse de près de 15%.

Ce recul des recettes douanières est d’autant plus important qu’une année auparavant, en 2019, l’ADII avait réalisé 97 milliards de dirhams au titre des recettes douanières.

Toutefois, il est à signaler que si en 2020, la crise économique mondiale résultant de la pandémie a affecté négativement les recettes douanières, ce ne fut pas le cas l’année suivante. Bien au contraire, les recettes douanières ont atteint en 2021, 111,9 milliards de dirhams, en hausse de 21% par rapport à 2020 et de 8% par rapport à 2019.

Au-delà de l’impact sur les échanges extérieurs du Maroc et sur les recettes douanières, la Covid-19 a eu des conséquences directes et indirectes sur les méthodes de travail de l’Administration des Douanes qui, face à cette situation pandémique, devait allier respect des mesures sanitaires édictées par les autorités compétentes de notre pays et l’impératif de célérité dans le traitement des opérations de dédouanement. L’objectif, bien entendu, est d’assurer un approvisionnement normal et régulier du marché marocain en denrées alimentaires et autres produits nécessaires au fonctionnement des branches d’activité industrielles sollicitées durant cette période.

Il importe de noter que dès le début de la pandémie, la Douane a pris plusieurs mesures proactives visant à soutenir les entreprises en activité, fluidifier le passage de leurs marchandises en douane tout en contribuant à la sécurisation du commerce extérieur. Ceci a été favorisé par la dématérialisation de ses services et process, chantier enclenché depuis plus de dix ans et constituant une priorité stratégique permanente.

Parmi les mesures les plus importantes conduites par la Douane pour contribuer à la gestion de la crise sanitaire et économique engendrée par la Covid-19 et à la réduction de ses conséquences, l’on peut citer : La généralisation du paiement électronique à toutes les créances douanières et l’assouplissement de la procédure d’adhésion à ce service ; La mise en place d’une déclaration simplifiée pour certaines opérations à caractère répétitif ou particulier effectuées par des opérateurs autorisés, l’acceptation des copies des procurations envoyées par courrier électronique sans exigence de la légalisation des signatures et la dispense de la demande de documents pouvant être obtenus auprès d’autres Administrations par échange électronique. Aussi, la dématérialisation de la gestion des demandes de franchise douanière exigée pour les marchandises importées dans le cadre des contingents tarifaires et des accords préférentiels ainsi que l’autorisation d’enlèvement présenté par les agents maritimes dans le cadre du Guichet Portnet ; la dématérialisation de la demande et de la délivrance des certificats d’origine exigés pour l’exportation de marchandises dans le cadre des accords avec l’UE, l’AELE, la Ligue Arabe, la Turquie et l’accord d’Agadir et l’acceptation des certificats d’origine délivrés électroniquement par les États arabes et les États de l’Union Européenne, la Norvège et la Turquie. A noter également la révision à la baisse du taux de sélectivité des contrôles douaniers (près de 85 % des marchandises importées et 90 % des marchandises exportées) ; le lancement d’une application mobile appelée Bayan Ly@ qui permet aux consommateurs de vérifier l’authenticité de certains produits taxables tels les cigarettes et les boissons. Et enfin la promotion auprès des différentes populations de clients-usagers de la gamme de services digitalisés du dispositif de gestion des relations client telle la plateforme électronique de gestion des requêtes. A.B

Ci-après, le tableau reprenant les circulaires publiées en matière de classement tarifaire durant les 3 trois dernières années.

Année  Nombre de circulaires   Nombre de produits

2019                      38                                          88

2020                      35                                          72

2021                      19                                          25

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