ExpertsFlash

Financement bancaire du cycle d’exploitation

  • SALAH GRINE
  • Expert comptable DPLE
  • Commissaire aux comptes, Enseignant universitaire, Formateur

S’il est une chose que le banquier exècre, c’est bien d’avoir à se faire rembourser le crédit accordé par la réalisation de la garantie qui lui a été consentie. C’est pourquoi l’octroi d’un crédit fait l’objet d’une étude préalable la plus approfondie possible pour s’assurer de la solvabilité de l’entreprise et pour anticiper tous les éléments qui pourraient l’altérer à court ou moyen, voire à long terme.

Une étude qui doit permettre de répondre essentiellement à deux questions : « Faut-il  financer  l’entreprise ? »,  et  « dans  quelles  limites faut-il le faire ? », deux questions qui rythment, tout compte fait, le quotidien de tout banquier d’entreprise.

Pour  répondre  à  la  première  question,  le  banquier procède  à  une  analyse  globale de  l’entreprise,  qui  s’appuie,  dans une  large  mesure,  sur  l’analyse financière qui lui permet, comme à l’actionnaire, d’apprécier la capacité de l’entreprise à créer de la valeur, à secréter de la richesse, le seul gage de sa pérennité.

Si  pour  l’actionnaire,  l’analyse financière permet de prendre une décision d’achat ou de vente d’une action  ;  pour  le  banquier,  l’objectif  est  de  mesurer  la  solvabilité  et  la  liquidité de l’entreprise, c’est-à-dire  sa  capacité  à  faire  face  à  ses  engagements, en vue de l’octroi ou non d’un crédit.

Même  si  la  motivation  finale  du premier est différente de celle du second, la démarche d’analyse est la même, pour la simple et bonne raison  qu’une  entreprise  qui  crée  de la valeur sera solvable ; et qu’en revanche celle qui en détruit connaîtra tôt ou tard des problèmes de solvabilité.

L’analyse  menée  par  l’un  et l’autre passant d’abord par une bonne compréhension de « l’économique » de l’entreprise, c’est-à-dire  de  son  marché,  de  son  positionnement  sur  ce  dernier,  de  l’adéquation  de  son  organisation  (modes  de  production, de distribution, de gestion des ressources,…) à sa stratégie, … ; puis par l’examen détaillé des états financiers et de leur qualité afin de s’assurer qu’ils traduisent la réalité économique de l’entreprise et qu’ils ne la travestissent pas.

Le  tout  sans  perdre  de  vue  que,  comme  la  médecine, l’analyse financière est un art plus qu’une science. L’analyste devant toujours remettre son ouvrage sur le métier, tenter de synthétiser les informations à sa disposition en les complétant par une analyse du contexte dans lequel opère l’entreprise pour former son opinion  sur  celle-ci ;  l’objectif  final étant d’apporter la lumière la plus éclairante sur l’entreprise.

Pour  répondre  à  la  deuxième question,  à  savoir  :  «  dans  quelles  limites  faut-il  financer  une entreprise ? »,  le  banquier  fixe, quand  il  s’agit  de  financer  un investissement, une quotité de financement,  généralement  de l’ordre  de  70  %,  et  s’assure,  d’une  part, que la capacité d’endettement de l’entreprise n’est pas atteinte et, d’autre part, que ses cash-flows futurs sont à même de faire face aux échéances de remboursement ; mais  quand  il  s’agit  de  financer l’exploitation  de  l’entreprise, c’est-à-dire son fonctionnement, le banquier se doit d’adopter une démarche lui permettant d’atteindre le triple objectif :

de fixer un plafond pour chacune des  lignes  qui  forment  la  panoplie  de  crédits  d’exploitation  en s’appuyant sur les caractéristiques de  l’exploitation  de  l’entreprise, pondérées,  le  cas  échéant,  par  les  normes et pratiques sectorielles ;

d’arrêter  une  enveloppe  globale  pour  l’ensemble des lignes de crédits d’exploitation à mettre en place en s’appuyant sur les besoins en financement de l’entreprise ;

S’il est une chose que le banquier exècre, c’est bien d’avoir à se faire rembourser le crédit accordé par la réalisation de la garantie qui lui a été consentie. C’est pourquoi l’octroi d’un crédit fait l’objet d’une étude préalable la plus approfondie possible pour s’assurer de la solvabilité de l’entreprise et pour anticiper tous les éléments qui pourraient l’altérer à court ou moyen, voire à long terme.

Les banques mettent à la disposition des entreprises deux catégories de crédits : Les crédits dits «par caisse» ou «par décaissement», et les crédits dits «par signature» qui n’engagent que la signature du banquier

de tenir compte, pour éviter d’obérer sa rentabilité, de la capacité de l’entreprise à supporter les charges financières inhérentes aux lignes de crédits d’exploitation à mettre en place.

Déterminer préalablement les lignes de crédits d’exploitation auxquelles peut prétendre l’entreprise, les confronter aux besoins  de  celle-ci,  en  limiter  l’impact  sur  sa  rentabilité,  tel est donc le triptyque devant guider le banquier dans sa démarche de détermination des lignes de crédits d’exploitation à consentir.

Les différents types de crédit d’exploitation

Les banques mettent à la disposition des entreprises deux catégories de crédits :

Les crédits dits « par caisse » ou « par décaissement » qui permettent  d’obtenir  des  fonds  sous  forme  de  découvert, d’escompte d’effets de commerce ou d’avances sur marchés, sur stocks ou sur factures, …

  Les  crédits  dits  «  par  signature  »  qui  n’engagent  que  la  signature du banquier qui peut être appelé, dans certains cas, à décaisser pour le compte de l’entreprise. Ces crédits permettent d’éviter ou de retarder un décaissement.

Dans la panoplie de crédits par caisse, l’on trouve principalement les lignes suivantes :

•  Le  découvert  qui  permet  à  l’entreprise  de  laisser son compte  bancaire  débiteur  dans  certaines  limites  pour pallier à des décalages de trésorerie de courte durée et/ou pour faire face à des besoins exceptionnels.

•  L’Escompte  de  Papier  Commercial  (EPC)  qui  permet  à  l’entreprise de disposer avant l’échéance du montant des effets de commerce tirés sur sa clientèle locale, déduction faite  des  agios  d’escompte.

•  La  Mobilisation  de  Créances  Nées  à  l’Etranger  (MCNE),  appelée également « Avances sur Créances Nées à l’Etranger  (ACNE)  qui  permet  à  l’entreprise  de  disposer avant l’échéance du montant des créances détenues sur sa  clientèle  étrangère,  déduction  faite  des  agios.

•  Les avances sur marchandises (ASM) qui permettent de  financer  une  partie  des  stocks  de  l’entreprise  en contrepartie de leur nantissement en faveur du banquier (avec  ou  sans  dépossession  selon  le  cas).  Les  stocks de produits périssables ou sujet à obsolescence étant exclus du financement (produits laitiers, matériel informatique, …).

•  Les avances sur marchés publics (ASMA) qui permettent d’obtenir  des  avances  sur  les  travaux  réalisés,  les fournitures ou prestations livrées à un organisme public et  ce,  en  contrepartie  du  nantissement  du  marché  en faveur  du  banquier.

•  Les avances sur factures (ASFACT) qui permettent d’obtenir  des  avances  sur  des  factures  de  clients  dits  « de premier ordre » qui ne payent pas par des effets de commerce.

•  Le  financement  des  droits  de  douane  (FDD)  qui permettent de bénéficier d’une avance pour le paiement des droits de douane moyennant la signature d’un billet à ordre  à  échéance.

Quant aux crédits par signature,  ils comprennent principalement les lignes suivantes :

Les cautions-marchés délivrées pour le compte de l’entreprise en faveur des administrations publiques pour lui  permettre  de  participer  et/ou  réaliser  des  marchés  publics. Il en existe 4 catégories :

>  Les  cautions  provisoires  dont  le  montant  est  d’environ  1,5  %  du  montant  du  marché  et  qui  permettent  de  soumissionner  aux  appels  d’offres  lancés  par  les administrations publiques ;

>  Les cautions définitives dont le montant est de 3 % du montant du marché et qui garantissent la bonne fin du marché ;

>  Les  cautions  de  retenue  de  garantie,  d’une  durée  d’un  an et dont le montant est de 7 % du montant du marché, qui  garantissent  l’administration  contre  les  risques  de  malfaçon ;

>  Les  cautions  de  restitution  d’acomptes  ou  d’avances,  dont la durée et le montant sont fixés généralement par l’Administration, qui garantissent cette dernière contre les risques de non-utilisation de l’avance ou de l’acompte pour la réalisation du marché.

•  Avals  fournisseurs,  qui  garantissent  par  la  banque  le  paiement des effets de commerce tirés sur l’entreprise en faveur  de  ses  fournisseurs.

•  Le  Crédit  documentaire  (Credoc)  qui  permet,  avec  la  garantie  de  la  banque,  d’effectuer  des  importations auprès de fournisseurs établis à l’étranger et ne faisant pas  confiance  dans  l’entreprise.

•  Les  Refinancements  à  l’étranger  qui  permettent  à l’entreprise  de  financer  ses  importations  auprès de  banques  étrangères  aux  conditions  du  marché international et ce, avec la contre garantie de sa banque.

•  Les  Obligations  Cautionnées  (OC),  d’une  durée  de  1  à  6  mois, qui sont délivrées pour le compte de l’entreprise en faveur  de  l’Administration  des  douanes  pour  permettre  de  différer  le  paiement  des  droits  de  douane  sur  les importations.

•  Le  Crédit  d’enlèvement  (appelé  également  soumission cautionnée)  d’une  validité  d’un  an,  et  qui  permet,  avec  la garantie de la banque, de différer, de 15 à 30 jours, le paiement des droits de douanes sur les importations de l’entreprise.

•  L’acquit  à  caution  qui  permet,  avec  la  garantie  de  la  banque, de transporter des produits, d’un poste de douane  à  un  autre,  pour  les  y  dédouaner.

•  Les  Admissions  Temporaires  (AT),  d’une  durée  de  6  à  24  mois,  qui  permettent,  avec  la  garantie  de  la  banque,  d’importer, en franchise de droits de douane, des produits appelés à être réexportés après transformation.

Il est à préciser que les crédits par signature se subdivisent en deux catégories :

•  Les crédits qui diffèrent un décaissement et soulagent donc la trésorerie, à savoir les lignes « Obligations cautionnées »,« Crédit documentaire »,« Avals fournisseurs », « Refinancements à l’étranger » et « Crédit d’enlèvement», …

•  Les crédits qui évitent à l’entreprise un décaissement et/ou lui permet de réaliser certaines opérations, à savoir les lignes  « Admissions  temporaires »,  « Cautions-marchés », « Acquit à caution », …

Méthodologie de détermination des lignes de crédits d’exploitation

Cette méthodologie se base sur le triptyque rappelé plus haut et qui requiert :

  que Les lignes de crédits d’exploitation ne dépassent pas des limites dites théoriques déterminées comme suit:

1 Le % de mobilisation correspond au CA pouvant donner lieu à un paiement par effets de commerce.
2 DDC = Droits Douane cumulés.
3 Cette formule cesse d’être valable lorsqu’il est procédé à des importations groupées et la ligne devra être fixé par le niveau maximum par importation groupée.
4 Délai courant de l’importation des produis jusqu’à leur réexportation.
5 Limitant la charge financière à 30 % du résultat d’exploitation.

que les lignes de crédits d’exploitation par caisse et celles par signature différant un décaissement ne dépassent pas le Besoin en Fonds de Roulement (BFR) dit « normatif », qui correspond au BFR d’exploitation calculé sur la base des délais admis dans le secteur d’activité ou, à défaut, sur des délais raisonnables ou normaux.

L’objectif  étant  d’éviter  de  consacrer  la  mauvaise  gestion  chez les entreprises qui s’éloignent négativement des pratiques sectorielles ou du « raisonnable ».

L’idée  étant  que  le  banquier  ne  finance  que  le  BFR d’exploitation  normal  ou  raisonnable ;  l’entreprise  devant financer, par son FDR, le BFR hors exploitation ainsi que le BFR dit « conjoncturel » (qui résulte d’événements exceptionnels : défaillance d’un gros client, crise passagère, méventes, …).

  et que les lignes de crédits d’exploitation ne génèrent pas  une  charge  financière  ponctionnant  plus  de  30 % du résultat d’exploitation. L’objectif étant de préserver la rentabilité de l’entreprise pour lui permettre de rémunérer ses  actionnaires  et  d’assurer  le  financement  de  son développement,  si  ce  n’est  intégralement  du  moins  pour  partie.

Cette  dernière  règle  (5)  est  dictée  par  la  communauté d’intérêt  qui  lie  le  banquier  et  l’entreprise.  Pour  ne  pas perdre un client et le financement consenti, le banquier a intérêt à avoir à cœur les intérêts de l’entreprise.

Il reste enfin à signaler que les lignes crédits d’exploitation doivent être mises en place suffisamment à l’avance pour permettre à l’entreprise de profiter des opportunités du moment  et  surtout  de  faire  face  à  ses  engagements  et  à  moindre coût.

L’objectif étant d’éviter non seulement les solutions coûteuses aux problèmes de trésorerie (octroi aux clients de  remises  ruineuses,  paiement  de  pénalités  de  retard,  cession  des  « bijoux  de  famille »  à  des  conditions  peu avantageuses,  …)  ;  mais  surtout  la  cessation  de  paiement  qui peut entraîner la faillite de l’entreprise et ce, quand bien même elle dégagerait une très bonne rentabilité.

Calcul  de  lignes  de  crédits  d’exploitation  –  exemple  d’illustration

Données :

•  Délais moyens : Clients (90 jours) – Fournisseurs locaux et étrangers (90 jours)- Stockage (60 jours d’achats). Ces  délais  pouvant  être  considérés  conformes  à  ceux  du secteur.

•  Chiffre d’affaires marchandises : 20.000 KDH (HT).

•  Résultat d’exploitation : 2.800 KDH.

•  Taux de marge brute moyen : 30 % (sur achats).

•  Taux de TVA : 20 % (à l’achat comme à la vente).

•  Taux moyen de financement de l’entreprise : 5 %

•  Les importations représentent 60 % des achats de marchandises.

•  Taux moyen des droits douane cumulés : 35 %.

•  50 %  du  chiffre  d’affaires  est  réglé  par  effets  (%  de mobilisation).

•  Délai  moyen  de  refinancement  à  l’étranger  des importations : 90 jours

•  Délai moyen de financement des droits de douane : 90 jours

Il s’en suit que les lignes à mettre en place ne doivent pas dépasser les 4.400 KDH ni générer une charge financière supérieure à 30 % du résultat d’exploitation, soit 840 KDH (2.800 x 30 %), ce qui est bien le cas, puisqu’au taux de financement de 5 %, une enveloppe globale de 4.400 KDH de lignes de crédits ne génèrerait que 220 KDH (4.400 x 5 %).

Répartition de l’enveloppe globale des lignes de crédits

Si  le  banquier  privilégie  les  lignes  de  crédit  les  moins  risquées (ASMA et EPC), le client choisit généralement ses lignes dans l’ordre suivant :

•  D’abord, les lignes dont il ne peut se passer,

•  Puis,  les  moins  couteuses  (refinancement  à  l’étranger, découvert, …) ;

•  Ensuite,  les  plus  souples  (découvert,  refinancement  à l’étranger, …) ;

•  Et enfin, celles nécessitant le moins de garanties (ASMA, ASM, EPC, …).

Le client pouvant, bien entendu, privilégier les crédits  ne  nécessitant  pas  ou  peu  de  garanties  s’il  n’en a pas à offrir au banquier.

Ainsi, en prenant le parti du client, celui-ci aurait intérêt à demander la mise en place des lignes suivantes :

•  Découvert   : 2.100 KDH

•  Refinancements à l’étranger   : 2.300 KDH

La ligne « refinancements » est à retenir en raison de son bas coût et la ligne « découvert », en raison de sa souplesse et son coût relativement plus bas que les autres lignes de crédits.

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page