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Voilà pourquoi MHE invite à consommer marocain !

Ce n’est pas fortuit que Moulay Hafid Elalamy, Ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Économie Verte et Numérique lance en grande pompe et à lui seul une campagne « consommons marocain » ! Le timing choisi dicte sa loi à la veille des élections, mais surtout à l’épreuve du lancement, tambours battants, de sa banque de projets qui repose sur l’instauration d’une politique de substitution aux importations. On ne peut que saluer l’effort du ministre qui a réussi avec brio à atteindre un nombre de projets d’investissement industriels validés représentant un potentiel de substitution de plus de 80 milliards de DH d’importation.

Seulement que son objectif d’atténuer le déficit commercial et limiter au maximum la sortie de devises à l’étranger n’est pas au rendez-vous. Pourquoi ? Avec l’avènement de la pandémie de la Covid-19, les yeux des décideurs marocains étaient directement fixés sur les importations pour limiter la casse. Parmi les postes les plus visés, relève celui des importations des  produits finis  de consommation. Avant la crise sanitaire, la part des produits finis de consommation dans le total des importations du pays tournait autour de 25% en moyenne. Ce niveau a été revu à la baisse à l’épreuve de la covid19. Ainsi, le total des importations des  produits finis  de consommation est tombé de 113 milliards de dirhams à fin 2019 à 95 milliards à fin 2020, soit une baisse de près de 16%. Toutefois, la lecture des derniers chiffres des échanges extérieurs portent à renverser la vapeur avec un retour à la hausse de la courbe des achats de produits finis de consommation en provenance de l’étranger. En effet, au terme des cinq premiers mois 2021, les importations de produits finis de consommation ont bondi de 34,8% à près de 50 milliards de dirhams, en variation annuelle.

Comment expliquer cette courbe inversée ? Cela veut dire tout bonnement, que le consommateur marocain (du moins la classe moyenne et classe aisée) préfère les produits étrangers – à l’exception des aliments. De nos jours, les consommateurs sont de plus en plus connectés et exigeants, le rapport qualité-prix oblige! Prenons l’exemple du textile-habillement.

Les derniers chiffres de l’Office des changes montrent que les importations d’étoffes de bonneterie ont progressé de 43,5% à 2,4 milliards de dirhams. Idem pour les Chaussures et Tapis et revêtements de sol, dont les importations se sont élevées à 941,5 millions (contre 768,9 MDH) et à 308,2 MDH (contre 191,7 MDH), respectivement.

Les importations des Perles et bijouteries de fantaisie ont passé de 163,6  à 356,1  millions de dirhams, au moment où celles  des Produits de parfumerie ou de toilette ont monté à 1,1 milliards de dirhams contre près d’un milliard.

Par ailleurs, vous êtes 76% à considérer le produit «Made in Morocco »  comme étant de qualité médiocre ou  moyenne. En termes de prix et de sécurité, il est perçu comme moyen par 58,5% et 57,5% des  consommateurs marocains, selon les résultats d’une étude effectuée par la CGEM. Pourquoi ce déficit de confiance? Vu de manière globale, c’est le résultat d’un cumul de déficits reportables. Cette perception prudente du « Made in Morocco » émane en premier lieu des produits importés défiant toute concurrence locale, que ce soit en termes de qualité-prix, fiabilité, sécurité, désigne, ergonomie, image, etc.

En second lieu, elle provient du manque de contrôle de prix ou de qualité et de respect des normes. Sans vrai pouvoir de pression, le consommateur marocain reste à la merci de toutes les dérives du monde : fraude, duperie, contrefaçon…Comment pourrait-on expliquer le paradoxe des différences entre le produit fabriqué pour l’export et celui destiné au marché local ? A-t-on entendu parler une seule fois au Maroc d’un rappel de produits destinés au consommateur final, à l’instar de ce qui se fait dans les pays développés ?

Même avec les meilleures intentions du monde, MHE a-t-il les moyens, les pouvoirs et les compétences de ces ambitions légitimes et louables d’un ministre citoyen qui prenne conscience de ses droits, de ses devoirs, de ses responsabilités ?

Le ministre engagé ne peut malheureusement faire cavalier seul dans ce méga-chantier.

Mener une stratégie de valorisation et de promotion du « Made in Morocco » passe d’abord par une « réflexion de fond  sur un label « Made in Morocco », ses attributs, ses marqueurs et composantes, ainsi que les valeurs qu’il incarne », soulignent les chercheurs. Encore faut-il établir les possibilités de convergence des initiatives et politiques publiques sectorielles et territoriales, et de rapprochement des actions de promotion du label menées par les différents intervenants publics et privés. A vrai dire, le débat sur les enjeux et contours d’une stratégie « Made in Morocco » ne date pas d’aujourd’hui. Et toutes les réflexions, propositions voire même actions (timides soient-elles) sont restées lettre morte.

Certes, il est le meneur de jeu, mais l’Etat ne peut à lui seul assumer la lourde tâche de promouvoir le « Made in Morocco ». La pierre est à jeter aussi dans le camp des entreprises. « Le marketing, aujourd’hui peu utilisé (60% des entreprises utilisant le marketing y consacrent moins de 1% de leur chiffre d’affaires48 ), est pourtant un  vecteur  de  développement  de  nos  ventes,  tant  sur  le  marché  national  qu’à  l’international.  Notre approche « technicienne » de la production est à renforcer d’une véritable culture marketing de valorisation de nos produits », peut-on lire.

Du pain sur la planche de MHE dont la mission de promouvoir le « consommer marocain » est loin d’être une mince affaire.  A suivre!

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