Violence à l’encontre des des femmes: Le coût économique
Dans le cadre de la campagne nationale et internationale de mobilisation pour l’élimination de la violence à l’encontre des femmes, le Haut-Commissariat au Plan présente les résultats relatifs au coût économique de la violence à l’encontre des femmes et des filles à partir de son enquête nationale sur la violence à l’égard des femmes et des hommes de 2019 réalisée, avec l’appui de l’ONU FEMME au Maroc, entre février et juillet 2019.
Les coûts économiques de la violence représentent, une lourde charge aussi bien pour la société, à travers son système de santé, ses services de soutien social, son système judiciaire, ses budgets alloués à l’élaboration de politiques ou de plans d’action pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et la perte de la production économique que pour les individus et les ménages à travers leurs dépenses pour accéder aux différents services, la perte de revenus en raison de l’arrêt du travail et l’arrêt de la prise en charge des travaux domestiques non rémunéré.
Les données fournies par l’enquête de 2019 ont permis d’estimer, pour la première fois au Maroc, le coût monétaire de la violence à l’encontre des femmes et des filles, se rapportant spécifiquement aux coûts directs et indirects de cette violence supportés par les individus et leurs ménages dans tous les espaces de vie et pour les formes de violence physique et sexuelle au cours des 12 mois précédant l’enquête.
Les coûts tangibles directs de la violence à l’encontre des femmes et des filles comportent les dépenses effectuées pour accéder aux différents services (Santé, Justice et Police), pour l’hébergement et pour le remplacement des biens endommagés.
Les coûts tangibles indirects se rapportent au coût d’opportunité comprenant la perte de revenus due à l’absentéisme au travail rémunéré, aux travaux domestiques et à l’enseignement.
Le coût économique de la violence est estimé selon l’approche d’estimation du coût de « l’inaction ou du problème » qui évalue les effets de la violence par l’estimation monétaire des différents coûts directs et les coûts indirects supportés par les victimes et les ménages. Cette estimation faite via la méthode comptable consiste en une agrégation des coûts effectués pour accéder aux différents services, des coûts liés à la réparation ou le remplacement des biens détruits, à l’hébergement en cas d’abandon du domicile et des revenus perdus en raison de l’absence au travail ou à l’école et aux travaux domestiques suite à l’incident de violence le plus grave.
Les violences physiques et sexuelles coûteraient aux ménages 2,85 milliards de Dh ou 957 Dh par victime
Parmi l’ensemble des femmes victimes de la violence physique et/ou sexuelle au cours des 12 mois précédant l’enquête tous contextes confondus, 22,8% ont dû supporter, elles ou leurs familles, des coûts directs ou indirects de la violence. Le coût global de la violence est estimé à 2,85 Milliards de Dh. En rapportant ce coût au nombre total des victimes, le coût moyen est de l’ordre de 957 Dh par victime.
La part du milieu urbain dans le coût économique global de la violence est de 72% (2,05 Milliards de Dh), celle du milieu rural est de 28% (792 Million de Dh). Le coût moyen supporté par les victimes citadines (1000 Dh par victime) est plus élevé que celui des victimes rurales (862 Dh par victime).
Les coûts directs constituent la majeure partie du coût économique global avec une part de 82% (2,33 Milliards de Dh) contre seulement 18% pour les coûts indirects (517 Million de Dh).
L’espace conjugal s’accapare, à lui seul, plus des deux tiers du coût global de la violence avec une part de 70% (un coût global de 1,98 Milliards de Dh), suivi des lieux publics avec 16% (448 millions de Dh) et du contexte familial avec 13% (366 millions de Dh).
S’agissant des formes de violence, près de 85% du coût global concerne la violence physique (2,4 Milliards de Dh) et 15,3% la violence sexuelle (436 millions de Dh).
Tableau 1 : Part des femmes ayant supporté des coûts parmi les femmes violentées, le coût global de la violence et sa répartition selon le contexte de violence, la forme de violence, le type de coût et le milieu de résidence
Part des femmes ayant supporté des coûts parmi les femmes violentées (%) | Coût total (en millions de Dh) | Part dans le coût global (en %) | ||
Contextes de violence | Contexte conjugal | 24,2 | 1 980 | 69,6 |
Contexte familial | 24,4 | 366 | 12,9 | |
Lieu de travail | 21,9 | 48 | 1,7 | |
Lieu de formation | 6,5 | 4 | 0,1 | |
Lieu public | 16,2 | 448 | 15,7 | |
Formes de violence | Physique | 34,8 | 2 409 | 84,7 |
Sexuelle | 6,1 | 436 | 15,3 | |
Types de coût | Coût direct | 20,3 | 2 328 | 81,8 |
Coût indirect | 8,2 | 517 | 18,2 | |
Milieux de résidence | Urbain | 24 | 2 053 | 72,2 |
Rural | 20,1 | 792 | 27,8 | |
Total | 22,8 | 2 845 | 100 |
Source : HCP, Enquête nationale sur la violence à l’encontre des femmes et des hommes 2019
Près de 70% du coût direct de la violence est attribué aux violences conjugales et 43% aux dépenses de santé
Le coût direct total de la violence est estimé à 2,3 Milliards de Dh pour les victimes de la violence physique et/ou sexuelle qui ont effectué des dépenses (20%) suite à l’ensemble des incidents de violence les plus graves subis au cours des 12 mois précédant l’enquête.
Près de 85% du coût direct de la violence (1,98 Milliard de Dh) est lié aux violences physiques et 15% (353 millions de Dh) aux violences sexuelles.
La violence à l’encontre des femmes en milieu urbain engendre, pour les victimes et leurs familles, 1,73 Milliard de Dh, contre 601 millions de Dh en milieu rural. Le coût supporté par les citadines représente près des trois quarts du coût direct global de la violence à l’encontre des femmes (74,2%).
Près de 70% du coût direct de la violence est relevé dans le contexte conjugal (1,63 Milliard de Dh), 15% dans les lieux publics (356 millions de Dh) et 13% dans le contexte familial (307 millions de Dh).
Les dépenses engagées pour accéder aux services de santé représentent 42,3% du coût direct (986 millions de Dh). En deuxième position viennent les dépenses liées au recours aux services juridiques et judiciaires (25,8% ; 600 millions de Dh), suivies de celles liées au remplacement ou réparation des biens endommagés (17,9% ; 417 millions de Dh), à l’hébergement suite à l’abandon du domicile (13,5% ; 314 millions de Dh) et au recours aux services de la société civile (0,5% ; 11 millions de Dh).
Plus de 44% du coût indirect est attribué à la perte des jours de travail rémunéré
Le coût indirect supporté par 8% des victimes de violence physique et/ou sexuelle, au cours des 12 mois précédant l’enquête, est estimé à 517 Millions de Dh (326 millions de Dh en milieu urbain et 190,8 millions de Dh en milieu rural). Près de 84% des coûts indirects sont attribués aux violences physiques (434 millions de Dh).
Le contexte conjugal représente 68% du coût indirect global suivi par les lieux publics (18 %) et le contexte familial (11%).
Plus de 55% (284 millions de Dh) du coût indirect global revient au coût estimé des jours de travaux domestiques perdus, soit 281,2 millions de Dh pour les femmes victimes et 3,1 millions de Dh pour leurs conjoints. Près de 44% de ce coût (227 millions de Dh) est lié à la perte de rémunération suite à l’absence au travail rémunéré des femmes victimes (172 millions de Dh) et de leurs époux (55 millions de Dh). Le coût des jours de scolarisation manqués des victimes et de leurs enfants suite aux incidents de la violence à l’encontre des femmes ne représente que 1% du coût indirect total (5,7 millions de Dh).
La violence dans le contexte conjugal aurait coûté aux ménages 1,98 Milliards de Dh
La violence à l’encontre des femmes au sein du couple a coûté aux 24% des victimes ayant dû supporter des coûts directs et/ou indirects, 1,98 Milliards de Dh au cours des 12 mois précédant l’enquête (1,3 milliards de Dh en milieu urbain et 681 millions de Dh en milieu rural). Ce coût est de 1,67 milliards de DH pour la violence physique et de 308 millions de Dh pour la violence sexuelle.
Avec 1,63 Milliards de Dh, le coût direct représente 82% du coût total de la violence conjugale. Il atteint 1,36 Milliards de Dh pour la violence physique, soit près de 84% du coût direct, et 267 millions de Dh pour la violence sexuelle.
Parmi les victimes de violence conjugale, 21% ont dû effectuer des dépenses directes suite aux incidents de violences les plus graves vécus au cours des 12 mois précédant l’enquête. Les dépenses effectuées en contrepartie des soins de santé reçus représentent 45,3% du coût direct de la violence conjugale (737 millions de Dh). Elles sont suivies des dépenses liées au recours aux services juridiques et judiciaires avec 25% (406,8 millions de Dh), à l’hébergement suite à l’abandon du domicile avec 18% (293,1 millions de Dh), au remplacement et à la réparation des biens endommagés avec 11,3% (185 millions de Dh) et, enfin, au recours aux services de la société civile avec 0,5% (7,7 millions de Dh).
Le coût indirect de la violence conjugale est estimé à 351 millions de Dh pour les 10% des victimes qui ont dû arrêter la prise en charge des travaux domestiques, du travail rémunéré et/ou de la scolarisation. Il est imputable aux violences physiques avec 310 millions de Dh (88,5%) et aux violences sexuelles avec 40,5 millions de Dh (11,5%). Ce coût indirect revient, pour plus de 63%, au coût des jours perdus de travail domestique des victimes et de leurs époux (222 millions de Dh), pour 36% à la perte des jours de leur travail rémunéré (126 millions de Dh) et pour moins de 1% à la perte des jours de scolarisation des enfants (2,7 millions de Dh).
Le coût de la violence dans le contexte familial est estimé à 366,3 millions de Dh
Le coût total lié à la violence familiale, pour les 24,4% femmes qui ont supporté des coûts, suite aux violences physiques et/ou sexuelles subies, au cours des 12 mois précédant l’enquête, est estimé à 366 millions de Dh. Presque la totalité de ce coût (94% ou 343 millions de Dh) revient à la violence physique. Les 6% restants (22,9 millions de Dh) sont attribués à la violence sexuelle.
En termes de coût direct, les incidents de la violence perpétrée sur les filles et les femmes par des membres de la famille (ou de la belle-famille) ont engendré une dépense annuelle de 307 millions de Dh, soit 84% du coût total dans ce contexte, supportée par 20,5% des victimes et leurs ménages.
Pour ce contexte, les victimes ont eu plus recours aux services juridiques et judiciaires qu’aux services de soins de santé. Les coûts engendrés sont estimés respectivement, à 124,5 millions de Dh et à 119 millions de Dh. La réparation ou le remplacement des objets endommagés suite aux incidents de violence engendrent un coût total de 41,8 millions de Dh. Les femmes ayant quitté le foyer familial ont dépensé 21,3 millions de Dh pour les frais d’hébergement suite à l’abandon du domicile.
Pour les 15,9% de femmes victimes ayant dû supporter des dépenses indirectes, les incidents de violence survenus dans le contexte familial au cours des 12 mois précédant l’enquête, engendrent un coût indirect total de 59,1 millions de Dh. Plus de 85% de ce coût (50,5 millions de Dh) est dû à des violences physiques et 15% (8,6 millions de Dh) à des violences sexuelles. Comme dans le contexte conjugal, la majeure partie de ce coût revient au coût de travail domestique perdu par les victimes et leurs époux avec 36,2 millions de Dh (61,3% du coût indirect de ce contexte), suivi du coût relatif à la perte de travail rémunéré avec 19,9 millions de Dh (33,7%) et de l’absentéisme scolaire des enfants des victimes avec 3 millions de Dh (5%).
Le coût de la violence dans les lieux publics est de l’ordre de 447,6 millions de Dh
Parmi les femmes violentées dans les lieux publics, 16,2% ont effectué des dépenses directes et indirectes estimées à 448 millions de Dh, au cours des 12 mois précédant l’enquête, dont 358,5 millions de Dh sont dus à des actes de violence physique (80% du coût total) et 98,2 millions de Dh à des actes de violence sexuelle (20%).
Le coût direct total des incidents de la violence physique et/ou sexuelle dans les lieux publics survenus au cours des 12 mois précédant l’enquête, pour les 15% des femmes ayant effectué des dépenses, s’élève à 356 millions de Dh, 80% du coût total. Plus de la moitié de ce coût (52%) est liée au remplacement ou à la réparation des biens endommagés (183 millions de Dh). Les dépenses liées aux soins de santé représentent 29% (103 millions de Dh) et celles liées au recours aux services juridiques et judiciaires 19% (66,2 millions de Dh).
Les incidents de violence physique et/ou sexuelle dans les lieux publics, survenus au cours des 12 mois précédant l’enquête, ont engendré, pour 6,3% des victimes, un coût total indirect de 91,6 millions de Dh dont 68,6 millions (75%) sont dus à la perte des jours de travail rémunéré des victimes et de leurs conjoints.