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Coronavirus: Le plan de relance du CMC

La levée tant espérée de l’état d’urgence sanitaire pour le 20 mai n’a pas eu lieu comme prévu. Les conditions de sécurité minimales pour la santé de la population n’étant pas réunies, le confinement a été prolongé de trois semaines. Un acte de prudence extrême et une déclaration de fidélité absolue à la ligne politique poursuivie à ce jour visant à limiter la propagation du virus, à sauver des vies et à protéger la santé des citoyens et ce en dépit du prix économique à payer qui s’élève selon le Ministre des finances et de la réforme de l’administration à 1 milliard de dirhams par jour supplémentaire de confinement total.

La prorogation de l’état d’urgence sanitaire, même pour cette durée assez limitée, exacerbera certes la décroissance prévue pour l’exercice 2020 et empêchera les activités lors de la reprise au second semestre de compenser les décalages de production enregistrés au cours des premiers mois de l’année. Toutefois, le choc économique est tellement fort, tel un foyer sismique, que ses impacts dépasseraient la présente année calendaire et ses ondes iraient au-delà pour affecter les performances économiques de 2021 et des années suivantes.

La crise économique est donc bien installée et ses conséquences ne s’atténueraient pas de sitôt. L’économie mondiale va certainement continuer à encaisser les coups de cette crise Inédite. Inédite du fait qu’elle n’est pas économique à la base et ne découle pas d’un dysfonctionnement des équilibres macroéconomiques ou financiers au départ comme la grande dépression des années 30 ou la crise financière de 2007-2008. Mais ce sont les réactions pour se protéger contre la pandémie et contrecarrer ses impacts sur la santé publique qui se sont perverties et ont entraîné l’ensemble de la planète dans une récession profonde.

Du coup réduire les effets de cette crise, dans ce contexte morbide du covid19, correspondrait donc à une propagation minimale du virus pour éviter une seconde vague de la pandémie. Les institutions épidémiologiques sont confiantes mais prudentes et tablent sur le mois de juillet comme le début de la fin de la pandémie. Le relais est pris par les organisations économiques et de conjoncture pour annoncer un rebond substantiel de l’économie mondiale en 2021 mais à notre humble avis, si les choses restent en l’état, ce ne serait qu’un simple nivellement de la production potentielle pour s’aligner sur l’année 2019. Il est donc urgent pour véritablement sortir de cette crise que des stratégies conséquentes se mettent en place pour soutenir les entreprises et trouver d’autres organisations et des modes de production susceptibles de faire face à terme à ce genre de crise et aussi pour apporter un fort appui à la demande qui souffre d’une atonie sans pareille.

Deux orientations essentielles de cette stratégie pourraient être mises en œuvre sans tarder:

  1. Des actions et mesures d’urgence pour créer un contrechoc et essayer d’inhiber le profond creux provoqué par l’arrêt des activités, les pertes de revenus et l’exacerbation du chômage ;
  2. a.Établir une nouvelle vision et un modèle de développement qui prendraient en considération les enseignements tirés de cette douloureuse expérience,

b. Élaborer des plans stratégiques à terme dans une cohérence globale.

ACTIONS ET MESURES D’URGENCE

BAISSE DU PIB DE 4,3% POUR L’ANNÉE 2020

Dans ces circonstances assez sombres où les doutes et les incertitudes planent encore sur le devenir de la planète, les institutions internationales de conjoncture, tout en surpassant les difficultés du moment et le manque d’informations, ont évalué l’ampleur de la récession en estimant la décroissance au terme de l’année 2020 à environ -3,8%. Pour sa part et à l’occasion de son bilan de l’année, le Centre Marocain de Conjoncture a révisé encore à la baisse ses prévisions sur la base des indices précurseurs de conjoncture et en prenant en considération les nouvelles informations relatives aux conséquences de la crise. L’économie nationale connaîtrait un recul appréciable de -4,3% pour l’exercice en cours.

Face à ce résultat déplorable, les mesures à prendre d’urgence commenceraient tout d’abord, à l’instar de tous les pays, par adopter une politique budgétaire plus agressive qu’à l’accoutumée et au-devant de l’ampleur des problèmes du moment et ce à travers une loi de finances rectificative consistante soulageant les entreprises et la consommation des ménages sur la base de plans de relance coordonnés : Augmenter d’une manière significative le budget du Ministère de la santé en priorité absolue et celui des secteurs sociaux ; prévoir des abattements sur les charges sociales et l’impôt sur le revenu et des moratoires sur le paiement des impôts ; permettre le rééchelonnement ou un différé de paiement des crédits bancaires ; renforcer encore plus le soutien par des prix préférentiels des inputs et des investissements de l’agriculture (semences, engrais, achats de d’engins agricoles…) ; A partir du travail de recensement effectué auprès des personnes ayant l’AMO et celles qui sont en dehors, il serait possible de généraliser la couverture médicale à l’ensemble de la population et en profitant cette nouvelle base de données actualisée qui a permis la distribution des aides de subsistances, étudier la possibilité à partir du mois de juillet de transformer cette aide accordée aux ménages en un système pérenne de primes de chômage. En plus d’un grand assouplissement de la politique budgétaire qui ne s’embarrasserait pas de contraintes théoriques sur la soutenabilité, la politique monétaire devrait se montrer plus accommodante et innovante que ce qui a été fait à ce jour.

Dans le cadre de ses politiques d’accompagnement, la levée du confinement pourrait s’opérer par région et par province sur la base du niveau du taux de reproduction. Ainsi pour toutes les collectivités dont le Rt est inférieur à 0,5, le déconfinement resterait possible dans le respect des barrières sanitaires.

Ainsi sur les 132 mille entreprises organisées qui sont à l’arrêt, celles localisées dans les régions où la propagation du covid19 a pris fin peuvent déjà redémarrer en respectant scrupuleusement les mesures d’hygiène et de distanciation sociale. Les entreprises situées dans des régions dont le Rt est inférieur à 1 devraient reprendre leurs activités avec un contrôle sanitaire et une aseptisation des locaux et avec un suivi strict qu’effectueraient les autorités locales d’une manière périodique. Les unités se trouvant dans des zones à risque (Rt>1) et dont la production répond à une nécessité pourraient relancer leurs activités sous condition d’un accompagnement d’une cellule de contrôle désignée par les autorités locales compétentes. Les transports en commun reprendraient dans un rayon qui leur serait fixé dans le respect des règles de distanciation et de port de masque. Seraient autorisées aussi à lever rideau, dans cette première étape, les petites entreprises individuelles de production de biens ou de services et les commerces des produits non alimentaires. Les écoles et universités, les cafés et restaurants, les cinémas et autres activités culturelles et sportives attendraient la mi-juin si cette première étape de déconfinement réussit.

Pour le milieu rural qui est le moins touché par la pandémie en raison d’une densité de population assez faible, la levée du confinement est recommandée pour permettre aux agriculteurs de trouver des activités compensatrices aux pertes de revenus induites par la mauvaise campagne agricole. Dans cette perspective, l’organisation et même les structures (constructions, contours, abattoirs, délimitation des places, administration hospitalière et d’hygiène ambulante…) des souks hebdomadaires doivent profiter de cette opportunité pour être revues et améliorer la commercialisation au niveau du monde rural.

Les actions et mesures à court terme répertoriées ci-dessus loin d’être exhaustives mériteraient d’être complétées par d’autres actions similaires par domaine ou par région selon leur spécificité et qui seraient proposées par les populations concernées dans un cadre de concertation mu par une volonté participative réelle.

STRATÉGIES À MOYEN ET LONG TERMES

Pour ce second volet, il sera proposé quelques grands axes, sous forme de points, pour participer au débat au niveau national et faire avancer même partiellement la réflexion sur le devenir de notre pays après cette traversée du désert et sur notre volonté en tant que citoyens à procéder aux changements qui s’imposent et à façonner par nous-même ce devenir et ce destin qui nous sied. Parmi les axes déclinés dans ce qui suit il y a certaines orientations qui sont l’émanation anticipative des pouvoirs publics et qu’il est judicieux de renforcer et d’accélérer la mise en oeuvre dans le cadre de ces stratégies. Ainsi en préambule à l’élaboration des stratégies, il y a lieu d’accélérer les travaux de la commission spéciale sur le modèle de développement dont les résultats détermineront les contours du projet de société souhaité avec plus de précisions et de détails.

LA RÉHABILITATION DE L’ÉTAT

Après cette crise profonde et dans de nombreux, un retour à plus d’Etat est attendu pour la promotion des secteurs sociaux, la prise en charge des activités stratégiques et pour un accompagnement du secteur privé conditionné par une gestion économique efficiente.

PRIORITÉ AUX SECTEURS SOCIAUX

L’expérience et les enseignements tirés de la propagation du covid19 ont montré d’une manière flagrante que le Maroc n’était pas suffisamment armé pour parer à ce genre de fléau et à mesurer les défaillances qui existent dans notre système pour protéger les citoyens et leur bien être. Aussi les stratégies à proposer devraient intégrer comme priorités fondamentales le développement des secteurs sociaux : santé, enseignement, emploi, sécurité sociale et autres domaines connexes.

RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT

L’urgence de contrecarrer la pandémie a fait découvrir le potentiel en matière de recherche scientifique lorsque les centres de recherche des universités et les entreprises collaborent et coordonnent leurs travaux. Les activités liées à la recherche et aux nouvelles technologies doivent occuper une place prépondérante dans les modifications attendues des structures productives.

CONCILIATION DES FACTEURS DE CROISSANCE

Pour relever le rythme de croissance à l’image des pays émergents, une conciliation harmonieuse et un partage équitable doit s’instaurer entre le capital et le travail sous forme de contrat social ou d’accord collectif concerté entre les parties prenantes (les travailleurs, les entreprises, les syndicats et l’état). Les travailleurs fourniraient les efforts nécessaires pour booster la productivité et seraient rémunérer en conséquence et les entreprises associeraient les salariés aux résultats financiers dégagés.

DÉVELOPPEMENT RURAL INCONTOURNABLE

Le monde rural est une station incontournable de l’économie du Royaume et aussi un facteur porteur pour l’avenir. La priorité est à accorder aussi à un développement d’un monde rural en rupture avec ce qui a été fait jusqu’à aujourd’hui. Il doit réconcilier l’être humain, l’environnement et la productivité des activités économiques durables. Cet espace de vie dont l’importance se mesure à l’aune de sa population et du territoire qu’il occupe doit bénéficier de toutes les accessibilités en matière de services de santé, d’enseignement et de loisirs susceptibles de créer une attractivité du milieu et de maintenir la population sur place voire inverser à terme le sens de l’exode.

RENFORCEMENT DE L’INTÉGRATION RÉGIONALE

En matière de coopération économique internationale, le choix de coopération Sud-Sud comme vecteur d’émergence principalement avec les pays subsahariens (en attendant une détente éventuelle pour la construction du Maghreb) constitue un atout considérable à renforcer. Par la même occasion et à la suite des changements profonds dans la restructuration des économies du monde provoqués par la crise, une révision des accords de libres échanges déjà établis s’impose pour préserver un commerce équitable entre les parties prenantes.

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