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IMMOBILIER : « Il est très difficile de voir des baisses dans le neuf »

ENTRETIEN avec Nabil Bounajma, MRICS

  • Ingénieur Géomètre Topographe Assermenté
  • Membre de l’Institut Royal des Experts de Londres

  A combien estimez-vous la chute des prix et des transactions immobilières dans les mois à venir?

Tout d’abord, il faut rappeler que le secteur de l’Immobilier était déjà en crise (chute des volumes de ventes et stagnation des prix) avant même la pandémie COVID19 et ceci depuis plusieurs années. Cette dernière crise sanitaire et les mesures de confinement obligatoires ont bien aggravé la situation. Selon la dernière publication de l’IPAI par Bank Al Maghrib et l’ANCFCC, les transactions immobilières ont baissé de 31.2% au premier trimestre de 2020 par rapport au dernier trimestre de 2019. Pratiquement, le marché a chuté d’environ un tiers du volume même si  le confinement et l’état d’urgence sanitaire n’ont commencé que vers la fin du trimestre.

Ceci dit, les chiffres du deuxième trimestre de l’année seront plus catastrophiques au vu des mesures de confinement sanitaire durant les mois d’avril, mai et juin. Tous les types d’actifs (Résidentiel, foncier et professionnel) et la majorité des villes du Royaume est concernée par cette baisse. Concernant les prix, certes, ils ont connu une légère baisse de 1.6% au T1 de 2020, mais ça reste dans le même rythme des fluctuations des prix des trimestres précédents. La baisse des prix attendue ne sera certainement pas immédiate. Les promoteurs ne pourront pas diminuer les prix directement, d’autres facteurs devraient être pris en considération d’après eux (charges et taxes élevées, longues procédures pour autoriser, développer et commercialiser un projet et surtout les marges très serrés).

Pour les mois à venir, la chute des volumes de transactions pourrait atteindre facilement 50% et les prix pourront se rétracter de 5 à 10 % pour les actifs anciens, par contre il est très difficile de voir des réductions dans le neuf (les chantiers sont en arrêt, les nouvelles mesures vont augmenter les coûts de réalisation et les marges ne permettront pas des rabais !).

Quel est l’impact de la Covid19 sur votre profession?

Comme plusieurs secteurs, la crise Covid19 a impacté les professions de l’immobilier. En effet, l’activité a régressé pour la majorité des intervenants du secteur. Plus de 90 % des chantiers sont à l’arrêt et 70 % des cabinets sont fermés partiellement ou totalement. La plupart des entreprises ont vu leurs chiffres d’affaires chuter ces derniers mois (mars, avril et mai) , que ce soit pour les promoteurs, les entreprises de BTP, les entreprises de conseil et d’expertise, les agences immobilières, les architectes, les BET, les IGTs ou les notaires, etc.  Cela est principalement dû à l’arrêt de la majorité des chantiers, le confinement imposé par les autorités, la fermeture des bureaux de vente et des showrooms… Pour notre activité qui dépend beaucoup du travail sur terrain et le contact direct avec le client a beaucoup souffert.

Comment voyez-vous l’avenir du secteur de l’immobilier après la pandémie covid19?

Nous sommes convaincus que les années 2020 et 2021 seront très difficiles pour l’Immobilier si l’Etat n’engage pas des mesures de relance comme : l’exonération partielle ou totale de certaines taxes et impôts, la simplification des procédures d’autorisation des projets et d’inscription au sein de la Conservation Foncière, l’accès plus facile au crédit bancaire avec des taux plus faible et l’encouragement de la réalisation des projets qui répondent aux besoins réels du marché comme le logement économique et moyen standing, les actifs professionnels spécifiques aux secteurs en plein développement…

A court terme, comme précité, la crise est en train de s’aggraver notamment avec le recul de la demande et les retards de livraison causés par le confinement. Cependant, nous estimons qu’il y aurait une reprise vers la fin de l’année 2021, mais cela est conditionné par un plan de relance qui doit être mis en place par l’Etat et tous les intervenants du secteur.

Beaucoup d’actions sont à entreprendre  pour dynamiser le secteur de nouveau:

– Tout d’abord, la réouverture de tous les chantiers est indispensable pour reprendre l’activité (avec les mesures sanitaires nécessaires bien sûr) et un effort d’amélioration de la qualité des prestations ;

– Alléger les procédures administratives liées aux opérations immobilières notamment avec la digitalisation pour gagner du temps et diminuer les coûts : études, autorisations, taxes, impôts et inscription à la Conservation Foncière ;

– Revoir la fiscalité en diminuant certaines taxes (Droits d’enregistrements, IS, TVA, TPI, Droits de la CF…) au moins pour les deux prochaines années ou bien pour certains projets ;

– Développer l’immobilier locatif notamment avec de nouveaux véhicules comme les OPCI et la réforme des textes afférents aux baux : résidentiel, professionnel et commercial afin d’encouragement le développement du marché locatif ;

– La VEFA pourrait aussi être une nouvelle bonne option à envisager à condition de régler ses défaillances tant sur le plan juridique que sur le plan pratique avec une forte implication des Promoteurs, Notaires, Banques, CDG et ANCFCC.

Ne pensez-vous pas que le télétravail menace l’avenir des bureaux professionnels, et donc tout un business des tours?

Le télétravail est devenu une activité envisagée par beaucoup d’entreprises en cette période de confinement surtout pour les entreprises de services. Cette nouvelle activité a présenté plusieurs points positifs en faveur de l’employé et l’employeur. Cela  a permis de gagner plus de temps, de donner plus d’autonomie à l’employé et d’où plus de productivité. Certainement, beaucoup d’entreprises de services vont garder le télétravail même après le covid19, mais comme une option et non pas de façon définitive.

Le business des bureaux professionnels sera certainement influencé par cette pratique. En outre, mêmes les entreprises qui ne pourront pas opter pour le télétravail, elles seront plus exigeantes en terme de choix du plateau bureau (distance entre les postes , mesures de sécurité et d’hygiènes, etc.).

D’une autre part, il y aurait des entreprises qui vont envisager le télétravail partiel (quelques jours du mois) ou seulement pour certains postes. Elles demanderont alors des bureaux avec une taille plus réduite mais selon de nouvelles exigences techniques (Installation Informatique, Salle de visioconférence, Sécurité sanitaire et règles d’hygiène plus strictes…).

Certes, l’avenir des bureaux professionnels va changer en termes de consistance et taille mais leur business ne va certainement pas se détériorer et même nous sommes convaincus que le développement à la verticale via des Tours Multi-usages est une excellente solution pour vivre mieux dans l’avenir.

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