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Quel modèle de développement pour le Maroc d’après crise Covid-19 ?

 

Mohamed AZEROUAL, Enseignant chercheur en économie à l’Université Sultan Moulay Slimane- Béni Mellal et ancien cadre supérieur au Ministère de l’Economie et des Finances

 

 

 

Si le Maroc est cité, jusqu’à présent, comme un bon exemple en matière de gestion de crise liée au Covid-19, il sera certainement appelé à répondre aux conséquences d’une récession économique sans précédent avec incontestablement des répercussions sociales imprévisibles.

Ainsi, le plan de réponse d’ordre sanitaire, économique et social mis en place par le gouvernement, à partir de la première réunion du comité de veille économique, tenue le 16 mars dernier, a pour objectif d’atténuer les conséquences socioéconomiques de la crise à travers la mise en œuvre d’une batterie de mesures d’accompagnement pour les entreprises et les ménages en difficultés. Or, la gravité et l’ampleur de ladite crise, et pour laquelle les mécanismes et réactions habituels sont inadaptés, suggère de réfléchir à d’autres leviers et actions de court et de moyen termes pour relancer l’activité économique et protéger les emplois et le pouvoir d’achat des marocains.

Par ailleurs, et au vu des premières leçons tirées de la crise actuelle, il est temps de bâtir un nouveau modèle de développement susceptible de renforcer dorénavant la résilience du pays aux différents chocs qui peuvent être générés par ce genre de crises avec des effets, souvent simultanés et convergents, sur le système économique, social et voire même politique.

Dans ce sens, et dans le cadre de la contribution au débat sur le nouveau modèle de développement, la présente réflexion aborde certaines mesures structurelles pour le Maroc d’après crise Covid-19. Les pistes de réflexion portent sur les principaux volets suivants :  l’économie, le social, la gouvernance, les technologies numériques et les modes de financement.

Sur le volet économique, il apparait que la politique d’ouverture de notre pays sur le marché international a démontré certaines défaillances, même avant l’arrivée de la crise actuelle. A cet égard, le Maroc reste déficitaire vis-à-vis de ses partenaires au niveau des accords de libre-échange, signés jusqu’à présent, et ce gap a tendance à s’accentuer avec le temps. Les termes de l’échange étant globalement dégradés du fait, d’une part, de la nature des importations marocaines qui sont de haut contenu technologique et qui restent compétitives par rapport aux produits locaux, et d’autre part, de la structure des exportations peu diversifiées et de faible valeur ajoutée, nonobstant des améliorations enregistrées lors de cette dernière décennie dues en partie à l’émergence de l’automobile et de l’aéronautique.

Si le Maroc vise, à travers cette politique d’ouverture, notamment l’attractivité des investissements directs étrangers (IDE), force est de constater que leurs effets sur la productivité des entreprises locales et sur la croissance économique restent insuffisants, au regard des capacités qu’offre le pays. De même, les IDE sont aujourd’hui de plus en plus volatils et risquent à n’importe quel moment de fuir le pays notamment avec le retour du patriotisme économique dans le monde. D’ailleurs, dans le cas des IDE français, le gouvernement a exigé des relocalisations de la filière automobile, sévèrement touchée par la crise Covid-19, en contrepartie de son soutien. En cas de concrétisation de cette décision, cela aura certainement des effets néfastes pour le Maroc qui parie beaucoup sur les constructeurs automobiles français à savoir Renaut et PSA.

Il est donc primordial, pour le Maroc, de corriger le déséquilibre structurel de sa balance commerciale tout en garantissant sa souveraineté industrielle, son indépendance énergétique et sa sécurité alimentaire. Il s’agit également de profiter pleinement des opportunités offertes par les accords de libre-échange, à travers la diversification de sa production et l’amélioration de la compétitivité de son économie sans toutefois se fermer au monde.

En matière de la souveraineté industrielle, la stratégie d’investissement dans son ensemble devrait favoriser à la fois l’émergence d’un tissu industriel local compétitif et le développement de canaux de transfert de technologies et de connaissances via l’encouragement des IDE productifs. Ainsi, les IDE orientés vers le secteur de l’industrie, depuis des décennies, n’ont pas permis l’intégration industrielle locale, et ce, faute de politiques publiques suffisamment dynamiques dans ce secteur. De ce fait, peu de filières domestiques sont créées et l’essentiel des intrants sont importés, ce qui aggrave d’autant plus le déficit de la balance des transactions courantes du pays.

Dans ce sens, il est indispensable de repenser une nouvelle stratégie industrielle fondée sur une logique de compétitivité et non de protection intégrale, même s’il est nécessaire de défendre certaines branches contre le dumping et les pratiques anticoncurrentielles exercés par certains pays.

La nouvelle stratégie industrielle devrait cibler, d’une part, l’attractivité des IDE destinés aux branches industrielles qui créent le plus fort potentiel de retombées technologiques et, d’autre part, le développement d’une industrie nationale appuyée sur l’utilisation des ressources internes dans le processus de production pour créer de la valeur ajoutée et réduire la facture des importations des intrants intermédiaires. Le succès de ladite stratégie suggère, en parallèle, la création et le financement des laboratoires nationaux de recherche dans les secteurs de l’automobile, l’aéronautique, l’électrique et l’électronique, l’industrie militaire, l’industrie spatiale et particulièrement l’industrie pharmaceutique et les équipements médicaux. D’ailleurs, ce sont ces deux derniers secteurs qui seraient les grands gagnants de cette crise sanitaire.

Concernant l’indépendance énergétique, il y a lieu de signaler que le Maroc demeure largement dépendant des importations de l’énergie. Le taux de dépendance énergétique du pays est de 91,7% en 2019. Cela s’explique principalement par l’importation nette des énergies fossiles, des aléas du marché international et de la croissance de la demande interne. A cet égard, il est évident de capitaliser sur les acquis réalisés, jusqu’à présent, dans le développement des énergies renouvelables (éolien et solaire), d’autant plus que le pays dispose d’atouts et d’un grand potentiel en la matière.

A rappeler dans ce sens, que le Maroc s’est engagé dans un processus de transition énergétique depuis 2009, pour développer les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et l’intégration régionale. Avec un objectif de 52% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique à l’horizon 2030, les pouvoirs publics espèrent réduire la facture énergétique qui pèse lourdement sur le déficit extérieur du pays.

S’agissant de la sécurité alimentaire, qui est revenue sur scène avec la crise Covid-19, il y a lieu de revoir la stratégie agricole en consolidant les réalisations du plan Maroc vert tout en remédiant à ses différentes faiblesses. Actuellement, le Maroc s’approvisionne de l’étranger en grandes quantités de blé pour subvenir aux besoins de sa population. La production locale de cette céréale, qui constitue une substance de base dans le régime alimentaire des marocains, reste insuffisante et fluctuante d’une année à l’autre. Les importations du pays varient donc en fonction de la récolte annuelle. Durant la compagne agricole 2018-2019, la production nationale du blé tendre a atteint 26,8 millions de quintaux et les importations se sont chiffrées à 29 millions de quintaux. Concernant la récolte de 2019-2020, la quantité produite a été de l’ordre de 16,5 millions de quintaux, soit moins de 10 millions de quintaux par rapport aux résultats réalisés par la compagne agricole précédente. Cela nécessitera certainement le recours à plus d’importations de blé tendre. Le Maroc, dans sa nouvelle stratégie agricole, est appelé à sécuriser ses besoins en cette denrée alimentaire, jugée indispensable, notamment dans un contexte de retour du protectionnisme et du patriotisme économique dictés par la crise sanitaire actuelle. Dans ce sens, et à titre d’exemple, la Russie, l’un des grands pays producteurs et exportateurs de cet aliment, a décidé de suspendre ses exportations. Même momentanément, ce genre de décisions risque de créer des pénuries alimentaires et d’engendrer, par conséquent, une flambée des prix, déjà élevés, sur le marché international.

A ce sujet, et considérant le stress hydrique et la fluctuation des précipitations, la nouvelle stratégie agricole devrait être fondée sur l’exploitation des atouts des nouvelles technologies. L’objectif serait de lancer des programmes de recherche sur les variétés de grains de céréales et autres cultures moins consommatrices de l’eau avec une amélioration du rendement et ce, pour réduire la surexploitation des nappes phréatiques provoquée par des cultures actuelles comme les primeurs et les agrumes, entre autres.

En parallèle, il est temps de basculer vers un modèle de traitement et de réutilisation des eaux usées qui pourrait constituer une alternative dans le cas du Maroc pour un approvisionnement en eau durable destinée à des usages divers, particulièrement l’irrigation des cultures et aussi son l’utilisation dans des activités industrielles. Il s’agit également de poursuivre la politique de construction de barrages qui est d’une vitale utilité lors des périodes récurrentes de sécheresse et de pénurie d’eau. Il est aussi possible, en exploitant et en développant des nouvelles technologies, de dessaler l’eau de mer qui reste un enjeu majeur pour l’avenir des régions arides. Dans ce sens, le Maroc a déjà entamé des travaux à Dakhla pour la réalisation d’une unité de dessalement pour l’irrigation de 5.000 hectares de terres agricoles arables.

Avec l’évolution des technologies et de la recherche scientifique dans le domaine agricole, sans ignorer le rôle que pourrait jouer l’office chérifien des phosphates en la matière, le Maroc dispose, aujourd’hui, des atouts réels pour assurer sa souveraineté alimentaire.

Par ailleurs, le secteur des services notamment le tourisme, très sensible aux crises de différents types, mérite une attention particulière. Ainsi, le tourisme figure en tête des secteurs pourvoyeurs en devise avec plus de 78 milliards de dirhams en 2019. La crise sanitaire actuelle va certainement mettre le secteur en difficulté (pertes de chiffre d’affaires et de postes d’emplois) même en cas de levée du confinement, étant donné que plusieurs pays maintiendront leurs frontières fermées jusqu’à nouvel ordre.

Pour atténuer les chocs exogènes dérivant de cette crise, il est essentiel de mettre le tourisme interne au centre de toute stratégie future de développement du secteur en adaptant l’offre touristique à la demande locale. Les différentes stratégies, élaborées en la matière, antérieurement, n’ont pas donné les résultats escomptés et une grande partie des marocains préfère d’autres destinations en particulier l’Espagne, la France, la Turquie, l’Italie qui offrent de meilleurs services avec des prix parfois très compétitifs par rapport à ceux pratiqués par les opérateurs marocains. Même si la promotion du tourisme interne reste difficile dans le contexte actuel marqué par des restrictions de circulation imposées par l’état d’urgence sanitaire, cela étant l’une des solutions pour la relance du secteur après la crise.

Sur le volet social, la crise Covid-19 a démontré à quel point il est urgent de hisser le niveau des investissements dans les secteurs de santé et de l’enseignement et de la recherche scientifique tout en renforçant les mécanismes de la protection sociale. Si, pendant longtemps, ces secteurs sociaux étaient considérés comme improductifs, l’arrivée de cette crise a démontré qu’ils sont de véritables leviers du développement. Il est temps, par conséquent, de mettre l’homme au cœur des politiques publiques de développement.

Pour ce qui est de la santé, il est question de renforcer les infrastructures hospitalières et de leur affecter des ressources humaines adéquates en termes d’effectifs et de compétences avec l’amélioration de leurs conditions de travail. Il s’agit également d’investir dans la recherche et développement médical (création de laboratoires de recherche sur les épidémies, le développement des vaccins, des tests…). L’objectif serait d’améliorer les conditions d’accès de la population aux services de santé et de répondre aux aléas des crises sanitaires qui sont de plus en plus fréquentes et graves.

En ce qui concerne l’enseignement et la recherche scientifique, c’est l’occasion pour les mettre sur la bonne voie. La crise sanitaire actuelle a mis notre système éducatif à l’épreuve de l’enseignement à distance et a dévoilé la capacité de la recherche scientifique au Maroc à explorer les voies de sortie de cette crise en termes de solutions, d’innovations, d’aide à la prise de décision…

Les efforts déployés depuis cette dernière décennie, dans les domaines de l’enseignement à distance et de la recherche scientifique, restent très mitigés. La réflexion sur l’après crise, à ce sujet, suggère la diversification des méthodes de formation, dont la formation à distance, basée sur les technologies numériques. Pour réussir ce chalenge, il est important de doter les établissements de l’enseignement scolaire et universitaire d’infrastructures technologiques et de contenus numériques adaptés et de former les enseignants, les étudiants, le staff administratif sur l’utilisation et l’exploitation de ces technologies. Il est aussi indispensable d’accorder une attention particulière aux élèves défavorisés notamment ceux du monde rural en mettant à leur disposition des moyens et d’outils de travail à distance (ordinateurs, abonnement gratuit à internet…).

Ainsi, le processus d’intégration de la digitalisation comme l’une des composantes importantes de l’enseignement devra être accélérée. Pour ce faire, des efforts considérables devront être déployés pour le volet du développement des infrastructures de télécommunications au Maroc dans le but de réduire la fracture numérique entre les régions.

Il convient également de promouvoir la recherche scientifique qui est la clé de voûte du développement du pays. Pendant des années, celle-ci est exclue des chantiers prioritaires du Maroc comme en témoigne les dépenses de recherche et développement qui sont d’environ 0,8% du PIB. Alors que le niveau de ces dépenses atteint, à titre de comparaison, 4,3% du PIB dans le cas de la Corée du Sud, 4,1% en Israël et 1,2% au Brésil.

D’ailleurs, la capacité d’innovation d’un pays est directement liée à la recherche scientifique. Cependant, selon le Forum économique mondial 2019, le Maroc occupe la 81ème place sur 140 pays en matière de la capacité d’innovation. Il est devancé, entre autres, par la Turquie (49ème rang) et les Emirats Arabes Unis (33ème rang).

Le Maroc est appelé, plus que jamais, à prendre des décisions audacieuses pour rattraper le retard accumulé en matière de promotion de la recherche scientifique. Il s’agit surtout de la mobilisation des financements nécessaires au développement de la production scientifique et de l’innovation avec le renforcement de la synergie entre les universités et le secteur privé, laquelle synergie, jusqu’à présent, demeure timide.

Concernant la protection sociale, elle constitue à la fois un droit humain et une nécessité sociale et économique pour le développement du pays. C’est pourquoi, l’Etat est sollicité à remplir sa fonction de redistribution pour favoriser l’inclusion sociale.

L’assurance sociale se caractérise, dans le cas du Maroc, par sa faible couverture. Selon un avis du Conseil Economique, Social et Environnemental sur la protection sociale au Maroc (2018), « environ 60% de la population active ne sont pas couverts par un régime de pension et 46% ne profitent pas d’une couverture médicale ». En l’absence de ces filets de sécurité, c’est toute une frange de la population qui sombre dans la précarité. D’ailleurs, ce phénomène a été nettement dévoilé par la crise Covid-19.

Les différents programmes de cohésion sociale mis en place par le Maroc, depuis des années, n’ont pas atteint globalement leurs objectifs. Leur multitude constitue même une source de difficultés tant par leur gestion, que par leur coordination et l’évaluation de leurs impacts sur les populations ciblées.

Dans ce sens, le nouveau modèle de développement doit intégrer la cohésion sociale comme composante principale de toute politique publique. Il importe surtout de garantir aux populations défavorisées, l’accès aux services de santé et à un revenu à même d’assurer une vie digne. Dans cette optique, il est attendu du registre social unique, en phase de préparation par les pouvoirs publics, de mettre en œuvre une stratégie d’entraide nationale claire, transparente et fondée sur le ciblage des populations défavorisées.

Sur le volet de la gouvernance, des efforts restent à accomplir pour asseoir et consolider les principes de la Constitution de 2011. Au niveau de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes, il y a aujourd’hui un discrédit des institutions (exécutif, législatif et judiciaire) au sein de l’opinion publique en raison de l’impunité insuffisante. Malgré l’apport de la constitution de 2011 en matière d’instauration des bonnes pratiques de gouvernance, le principe de la reddition des comptes n’est pas pleinement opérationnel. En outre, notre pays accuse certaines restrictions au niveau des libertés individuelles. De même, l’accès aux postes de responsabilité est conçu par certains comme fondé sur le clientélisme et l’appartenance politique et non sur les critères de compétences et de méritocratie, ce qui nuit au principe de l’égalité des chances des citoyens en la matière. Par ailleurs, il reste des efforts à accomplir au sujet de la répartition des pouvoirs et des compétences entre l’Etat et les régions. Il s’agit de doter ces dernières des ressources financières et humaines nécessaires pour jouer leur rôle dans la dynamique économique et sociale du pays et surtout pour contribuer efficacement aux efforts de gestion des risques, des crises et des catastrophes au niveau régional.

De ce fait, et pour regagner la confiance des citoyens et les adhérer aux efforts de développement du pays, il est primordial de concrétiser les principes fondamentaux de la constitution et de renforcer l’Etat de droit.

Quant au volet de la digitalisation, de l’intelligence artificielle (IA) et du Big Data, il est indéniable que ce chantier transversal revêt une importance capitale en temps de crises ou en temps normal. La transformation digitale est aujourd’hui l’un des grands défis pour toutes les organisations, notamment les Etats et les entreprises. Elle constitue donc un enjeu économique et social majeur. Beaucoup de stratégies élaborées en matière de numérisation, dans le cas du Maroc, ont été vouées à l’échec faute notamment d’une vision intégrée de la transformation digitale du pays.

Actuellement, la crise a prouvé le rôle incontournable de la digitalisation, de l’IA et du Big Data et constitue un élément révélateur de la maturité technologique de notre pays. Ainsi, les perspectives offertes par ces technologies de l’information et de la communication semblent infinies et tous les secteurs sont potentiellement concernés. Entre autres, l’enseignement, la médecine, l’administration, l’industrie, l’agriculture, la finance et les autres services …

La transformation numérique, la remontée de données en temps réel, la machine intelligente au service de l’homme sont plus que nécessaires pour optimiser l’efficacité de la prise de décision et pour anticiper, gérer et atténuer les effets néfastes des crises et des risques potentiels.

Pour assurer le financement des projets structurants qui s’imposent durant la période post-crise, les pouvoirs publics doivent disposer d’une meilleure vision budgétaire. A ce sujet, la crise a révélé l’urgence de la réforme fiscale, largement débattue lors des différentes assises fiscales, pour améliorer le taux de couverture des dépenses publiques par les recettes fiscales. A signaler, dans ce cadre, que ledit taux de couverture est de seulement 47% en 2020.

La réforme fiscale passe notamment par la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. Il est inconcevable de remarquer que seulement 2% environ des entreprises s’acquittent de plus de 90% de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée. Même constat au niveau de l’impôt sur le revenu où 75% des recettes émanant de cet impôt sont le résultat des prélèvements à la source sur les revenus salariaux (publics et privés). Le paradoxe, est que ces entités, qui échappent au paiement d’impôt, sollicitent l’aide et le soutien de l’Etat au moment des crises.

Ainsi, et pour plus d’équité fiscale, il est primordial de renforcer le contrôle, en exploitant les opportunités offertes par les systèmes d’information pour la traçabilité et le suivi de la fraude, avec l’instauration de sanctions sévères et dissuasives à l’encontre des contrevenants. Il est question aussi de revoir et de rationaliser les incitations et les exonérations fiscales en particulier pour certains secteurs jugés improductifs et de rente. Avec un montant de près de 28 milliards de dirhams en 2019, les dépenses fiscales au Maroc constituent un manque à gagner pour le budget de l’Etat. La part des exonérations totales dans ces dépenses représente 57,6% suivie par les réductions avec un taux de 29,4%. Ce qui est surprenant est que ces dépenses fiscales ont engendré un effet d’éviction et de distorsion économique pour certains secteurs. L’exemple des incitations relatives à la promotion du secteur immobilier ont généré une ruée des investisseurs vers ce secteur au détriment de l’industrie qui est indispensable pour le décollage du pays.

De même, le poids important de l’informel dans l’économie marocaine entrave la
compétitivité des entreprises et échappe au paiement des impôts et des charges sociales. Selon une étude de la confédération générale des entreprises du Maroc, ce secteur représente plus de 20% du PIB hors secteur agricole et pèse 10% des importations du secteur formel. Il devient urgent d’instaurer une fiscalité incitative pour l’intégration progressive de ce secteur dans le circuit économique formel.

Par ailleurs, et dans le cadre de l’optimisation des ressources financières dédiées aux projets structurants, l’accélération de la restructuration des établissements et entreprises publics, qui réalisent la majorité des investissements publics, est impérieuse. Il s’agit notamment de la rationalisation de leurs dépenses et du renforcement de l’efficacité et de l’efficience de leurs investissements, à travers le choix, le suivi et l’évaluation des projets à exécuter, et ce, pour plus de création de la richesse et de l’emploi. Il est question également de l’amélioration de leur contribution, dans le budget de l’Etat, sous forme de dividendes, de parts de bénéfices et d’autres produits.

De même, le Partenariat Public-Privé (PPP) s’est révélé être un puissant levier de financement des projets d’envergure. Pour alléger la pression sur les finances publiques, les PPP restent une alternative en matière de l’exécution de grands projets dans divers secteurs (infrastructures, agriculture, éducation, santé…). De nombreuses réalisations dans le cadre des PPP ont déjà prouvé leur succès au Maroc à l’image du port Tanger Med, du tramway de Casablanca et Rabat, du complexe solaire Noor Ouarzazate… Ces partenariats se sont traduits également par un transfert de savoir-faire et une réelle valeur ajoutée en termes de service rendu à la collectivité.

En général, les sources de financements sont multiples et le Maroc dispose encore des marges de manœuvre pour lever et drainer les fonds nécessaires à la réussite du chalenge de son nouveau modèle de développement. Toutefois, il est crucial d’améliorer, en parallèle, la gouvernance de ces ressources, à travers une gestion transparente et performante, accompagnée du renforcement de la culture et des mécanismes de responsabilité et de reddition des comptes.

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