AfriqueAgroEconomieFlashLa Une

ENTRETIEN: LAMIA ADLOUNI DG AGCOFRUIT

« Il y a lieu d’envisager l’Open Sky africain »

 D’où et comment vous est venue l’idée d’exporter vers l’Afrique?

L’idée découle de notre stratégie commerciale qui vise les marchés de niches, en dehors des marchés traditionnels d’Europe.  Après avoir réussi à pénétrer certains pays du Moyen Orient, dans les années 1990, nous nous sommes intéressés aux pays subsahariens. En effet, nous avons pu concrétiser des relations commerciales avec ces pays, grâce aux initiatives de Maroc Export qui a organisé des caravanes africaines d’Export et l’organisation de meetings B2B. Cela s’est fait graduellement pour d’abord bien comprendre le marché et cibler le bon target. Par ailleurs, les relations diplomatiques que SM le Roi Mohammed VI a initié avec beaucoup de pays d’Afrique Subsaharienne n’ont fait qu’augmenter la notoriété de notre Royaume et de ses nombreux produits et services.

Avez-vous trouvez des difficultés d’exporter vers l’Afrique , lesquelles?

Malheureusement, beaucoup de difficultés : en premier lieu la logistique qui restent très restreinte. Pour l’aérien, une seule compagnie dessert directement les pays africains à partir du Maroc. La flotte de cette compagnie composée au cours des 20 dernières années d’appareils avec une faible capacité de fret, d’autant plus que la priorité est accordée aux bagages des passagers. Les vols directs ne sont pas palettisés. De ce fait, nos expédions sont constitués de petits fardeaux. Ce qui représente un frein pour satisfaire la totalité des commandes par client.

Pour ce qui est du maritime, la fréquence des dessertes est très limitée en plus du long transit time vers les pays du sud qui ne peut pas être supporté par nos produits frais. Par ailleurs, les départs sont aléatoires et sont annulés à la dernière minute alors que la marchandise est déjà au port. Ce qui, d’une part, entraine la dépréciation voire même la perte des produits périssables chargés en conteneurs en plus des frais inutiles, et de l’autre, affecte les relations avec la clientèle.

En ce qui concerne la voie terrestre, il existe un secteur informel qui permet d’effectuer des expéditions à partir d’Agadir vers certains pays après transit à la Mauritanie. Mais, il s’agit de produits tout venant qui ne répondent pas aux standards de qualité requis. Ceci impacte forcement l’image du produit marocain exporté selon les normes exigées. Les marchés approvisionnés par ce moyen à des prix défiants toute concurrence ne sont pas susceptibles d’accepter nos offres de prix des produits de qualité Export. L’Etat Marocain doit envisager des accords commerciaux multi ou bilatéraux équilibrés (win-win) avec les pays subsahariens car le libre-échange n’est pas adapté à la situation africaine.

Quelles sont les erreurs à éviter pour exporter en Afrique?

Comme partout ailleurs, il faut éviter les livraisons à des clients sans garantie de paiement. Il y a lieu donc de privilégier les acomptes d’au moins 80% du montant de la facture. D’autre part, il faudrait éviter les spéculateurs et non professionnels. Les visites sur place des clients potentiels s’avèrent nécessaires en plus de disposer de renseignements fiables concernant leurs infrastructures (circuits de distributions déjà mis sur place), situations financières et situation régulière vis-à-vis de leur administration fiscale.

De plus, les exportateurs marocains vers les pays subsahariens doivent éviter de casser les prix des produits marocains pour garder une image premium. Il est important de se positionner, en termes de prix et de qualité, par rapport aux autres pays exportateurs en dehors de l’Afrique (Europe, Asie..)  et travailler sur le différentiel du coût de transport qui en principe doit être favorable aux Marocains.

Pensez-vous que le réseau est essentiel pour exporter?

Bien évidemment ! Comme expliqué auparavant, SM le Roi Mohammed VI a fait un travail remarquable à ce niveau-là. Les Marocains qui partagent beaucoup d’affinités avec les autres africains sont généralement très appréciés en Afrique. Cependant, les Marocains doivent s’imprégner du modèle de réussite par excellence des Libanais et des Indiens. En effet, ceux-ci sont des travailleurs qui activent leurs réseaux sur place et privilégient en premier les produits de leur pays. Ce sera une situation de concurrence loyale où le client aura le dernier mot.

Facile pour une TPME d’exporter vers l’Afrique et pourquoi?

Il est difficile de pénétrer ce marché pour deux raisons principales : la rencontre de bonnes personnes et les moyens logistiques. Il faudrait un accompagnement institutionnel pour pouvoir rencontrer les bons interlocuteurs dans un cadre sécurisé voire d’accord bilatéral.  Aussi, les coûts logistiques restent très onéreux  malgré la proximité. Il y a lieu d’envisager l’open Sky avec l’Afrique et d’encourager les compagnies maritimes à avoir des rotations régulières avec les pays subsahariens. En dépit de tout cela, nous considérons que c’est le grand marché de l’avenir avec une multitude d’opportunités pour l’export/import et d’investissements. Le développement de l’Afrique  reste un challenge à relever.

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page