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CORONA -Agent de Santé Publique : Le Maroc en a-t-il un?

  • Par Mounaim Halim EL JALIL, Ph.D., MMP
  • Past Directeur adjoint de l’INH du Maroc et Conseiller du premier Jumelage MS avec l’UE
  • Université Mohammed V de Rabat

 

 

 

 

CORONA : Une inquiétude à l’échelle mondiale

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) vient de désigner le coronavirus — dont le nom scientifique est 2019-nCoV, comme une « urgence de santé publique de portée internationale ». Le coronavirus, une affection pulmonaire contagieuse, qui a bien la même origine que celle qui a causé le SRAS ou syndrome respiratoire aigu sévère. Les bilans des derniers événements sont parlants : SRAS de 2003 avec 774 décès essentiellement en Chine, Grippe aviaire de 2005 avec 245 décès totalement en Asie, Grippe A H1N1 en 2010 avec 18 500 morts dans le monde, Ebola, en 2014 avec 11 000 morts en Afrique sans aucune contagion mondiale et Coronavirus de 2020 avec 2442 morts et 77000 contaminations en Chine comptées jusqu’ à dimanche 23 février.

Les défis pour une économie sans frontières

Le coronavirus est apparu  fin décembre à Wuhan, la capitale régionale de Hubei en Chine où vivent 11 millions d’habitants. La ville est pionnière dans les nouvelles technologies et constitue une mégapole industrielle attirant plus de 5 millions de travailleurs chinois, un nœud de communication et un carrefour important pour les déplacements intra-nationaux. Ce qui explique la propagation rapide de la maladie. L’épidémie de coronavirus a stoppé net l’économie de la Chine. Usines fermées, routes bloquées, tourisme volatilisé… les mesures de confinement ont un effet négatif sur l’activité industrielle, même s’il n’est pas sûr de savoir si l’impact serait durable.

A ce jour, force est de constater que cette épidémie est vite devenue une menace mondiale. Ce virus ou ses avatars sont capables de générer une véritable pandémie nécessitant des mesures d’isolement et de restriction des échanges, les conséquences sur la croissance économique mondiale pourraient prendre des proportions dramatiques, s’ajoutant à un coût humain potentiel, dont l’ampleur demeure largement indéterminée.

Notre Royaume participe à cette économie globale

Nous sommes directement concernés non seulement de par notre attractivité touristique qui concerne une population internationale, dont les chinois qui ne cessent de progresser (180 000 visiteurs en 2018 contre 200 000 en 2019), mais également du fait de l’ensemble des autres secteurs de l’économie (2,5 milliards de DH d’exportations vers la Chine constituées pour moitié des produits alimentaires agricoles et de la mer contre 47,3 milliards de DH d’importations depuis la Chine). On imagine les déplacements liés aux affaires professionnelles, commerciales et logistiques que cela suppose.

Comment le monde répond localement à ces défis sanitaires impactant l’économie ?

Plus de 100 pays, dont les plus économiquement avancés, ont fait le choix de disposer d’un organisme scientifique et technique national responsable de la veille et la sécurité sanitaires. Cet organisme indépendant a pour mission d’apporter une réponse factuelle, globale, coordonnée et performante tout en étant le correspondant unique des acteurs locaux et des organisations internationales concernées.

Dans notre pays les réflexions sur un tel organisme ne datent pas d’aujourd’hui !

Elles ont été concrètement entamées et approfondies dans le cadre du projet de jumelage Maroc-France soutenu par la Commission européenne (CE) entre 2007 et 2012. Elles ont abouti sur des recommandations visant à agiliser notre organisation de veille et de sécurité sanitaire et à mobiliser tous nos professionnels avec un plan de renforcement des capacités institutionnelles, organisationnelles et techniques inédit. Cela permettrait de  consolider les acquis, d’éviter toute redondance et de favoriser la rationalisation des ressources.

Les travaux ont impliqué tous les  établissements déjà existants comme l’Institut National d’Hygiène (INH), l’Institut Pasteur du Maroc (IPM), le Centre anti-poisons et de pharmacovigilance (CAP), le Centre de radioprotection (CNRP) ainsi que les services des différents ministères concernés comme ceux de la Santé, responsables des activités opérationnelles et techniques relatives à la veille épidémiologique et le contrôle des maladies.

Depuis 10 ans la solution existait déjà : Création d’une Agence de santé publique du Maroc (ANSP)

Dans le respect des exigences de la réforme administrative de l’État marocain et répondant aux attentes de la politique de régionalisation avancée dans un contexte de mutation profonde des services publics, cette idée est fortement soutenue par la Communauté européenne (UE) et par l’Association Internationale des Instituts Nationaux de Santé Publique (IANPHI).

L’ANSP est proposée en tant qu’Agent de cohérence dans la maitrise de l’information de surveillance des maladies et la riposte aux crises sanitaires qui nécessite une agilité dans la coordination. Elle est un outil opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales. Elle assurera la création de plateformes intelligentes et performantes partagées (data et compétences scientifiques et techniques) dans le cadre d’un groupement de coopération piloté par le ministère de la santé puis par la mise en place progressive d’un établissement public : ANSP Maroc ou Santé Publique Maroc, dans le cadre d’une loi de modernisation et de réorganisation globale du système de santé du Royaume.

Il est donc nécessaire de redessiner le rôle et le fonctionnement des institutions administratives et scientifiques de la santé publique existantes

La création de cette Agence permettra d’avoir un Agent dont la mission est : assurer 24H/24 et 7J/7 la réponse opérationnelle aux urgences sanitaires ayant un impact sur le territoire national. De ce fait, l’Agence garantira une meilleure assurance à tous les marocains, notamment aux entrepreneurs, aux professionnels et aux sociétés savante et civile. Ainsi, elle donnera une bonne visibilité à l’international, notamment à l’OMS et les pays partenaires économiques et aura une grande reconnaissance par les marocains qui la considéreront comme seule source d’information en cas de crise sanitaire.

Les Citoyen Marocains et les Agents de l’Economie de notre pays, nationaux et internationaux, ont droit d’être rassurés pour leur avenir !

Une autre pandémie grippale est inévitable annonce l’OMS dans son communiqué sur les 10 menaces sur la santé mondiale en 2018. On ne peut rien prévoir en matière d’épidémie grippale, et notamment pas comment et quand la prochaine pandémie surviendrait.

L’ANSP permettra de renforcer les synergies avec l’ensemble du système national de sécurisation sanitaire et sociale du Royaume et évitera un véritable décloisonnement intersectoriel dans le respect auprès des citoyens d’une information juste et pertinente. Nous devons nous préparer pour un demain plein d’incertitudes relatives à de nouvelles épidémies virales et autres qui peuvent surgir aussi bien des différents systèmes de production que des modes de consommation.

A l’instar du choix fait par beaucoup de pays dans le monde, L’ANSP est l’outil qui va doter le Royaume d’une surveillance permanente sur l’ensemble des événements qui peuvent atteindre la sécurité sanitaire du pays et son économie (catastrophe naturelle, catastrophe industrielle, réponse sanitaire en cas d’attaques terroristes (plan blanc renforcé) et d’un outil de riposte efficace assurant le décloisonnement intersectoriel pour organiser, suivre l’évolution des événements à travers un « tracking alert » performant. Par ailleurs, le monde de l’internet entraîne des réactions atypiques telles les « fakes news » qui à elles-seules sont capables d’anéantir des décennies de croissance vertueuse et de semer la peur et la panique. Le principe de diffuser la bonne information en transparence  permet d’optimiser la gestion des crises sanitaires. L’ANSP du Maroc sera la référence pour tous les Marocains et le partenaire reconnu par toute la communauté internationale.

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