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Notariat: 5 facteurs pour réinventer l’avenir et booster la dynamique du changement

Par Mohamed LABDAOUI

Président du Conseil régional des notaires de la Région Beni Mellal-Khenifra

 

 

Derrière tout homme ou toute femme qui pilote une entreprise, il y a une singulière aventure et une volonté farouche de surmonter les péripéties qui ponctuent la vie professionnelle pour arriver à son but. Il y a aussi une persévérance doublée d’une farouche aptitude à questionner le réel en permanence. Ainsi, il est légitime de s’interroger sur la structure juridique, les jeux de pouvoir, les ressources humaines, les compétences et la gestion des conflits. Ces différents éléments interpellent chacun d’entre nous à être attentif aux réalités qui font évoluer le métier vers plus de responsabilités et vers plus de performance.

Ressources humaines :

Il est admis aujourd’hui que les individus qui travaillent dans les études notariales constituent des ressources essentielles. Comme les autres ressources, le capital humain peut-il constituer un facteur clé du succès ?

Les ressources humaines procurent aux offices notariaux un avantage parfois décisif et une forte valeur ajoutée à la nation. Si les individus sont des ressources qui peuvent être évaluées et développées, ils sont aussi des acteurs du cabinet notarial, acteurs individuellement, mais également acteurs structurés qui ont une influence dans l’organisation. La gestion des ressources humaines évolue dans le temps et son champ d’action s’est élargi progressivement. Il n’est plus question d’assurer la discipline et le contrôle direct sur les équipes au travail. Les règles collectives se substituent aux rapports individuels. L’arsenal juridique, réglementaire et conventionnel va aider aussi à donner à la fonction ressource humaine son autonomie et sa légitimité. Ainsi, on est passé de la gestion des qualifications à la gestion des compétences et maintenant on parle de gestion des talents. Et chasseurs de têtes ou talents pour les entreprises.

Cette progression oblige le notaire à revoir en profondeur son organisation et élever le niveau de formation des collaborateurs et trouver de nouvelles règles de management. La fonction ressource humaine apporte une technicité et devient dans le même temps un rouage essentiel du management des hommes. Elle devient promotrice de l’innovation sociale. Elle comporte une dimension stratégique affirmée. Elle aide à trouver la meilleure adéquation quantitative et qualitative entre les ressources et les besoins nécessaires à la réalisation des objectifs.

Le recentrage des outils sur la gestion des individus marque la rupture avec la gestion collective et catégorielle du personnel. On passe ainsi d’un mode de valorisation de l’emploi à un mode de valorisation des individus en fonction des compétences et des talents qu’ils développent dans le cadre de leur travail. Dans cette démarche la formation continue demeure un support central.

La gestion des compétences :

La gestion des compétences, incontournable, permet au notaire de répondre à des enjeux multiples, variés, voire même contradictoires. Le succès de cette démarche repose sur l’efficacité du processus, le choix des outils et l’appropriation de la démarche par la totalité des acteurs. L’appropriation permet de transformer la gestion des compétences en succès. La gestion des compétences couvre plusieurs domaines : le recrutement, l’évaluation, la formation, la gestion des carrières, la rémunération et la communication. Elle vise à  coordonner la stratégie du cabinet notarial avec l’évolution du métier et à faire évoluer les compétences actuelles des collaborateurs avec celles qui auront été identifiées comme stratégiques pour le cabinet.

La gestion des compétences est avant tout une démarche de changement. Elle favorise l’engagement de l’équipe vers une direction commune et unique. Cependant, il est important de distinguer sans opposer les objectifs opérationnels des objectifs prévisionnels. Le rôle de l’individu est reconsidéré. Il ne s’agit plus d’obéir aux consignes prescrites, mais d’affirmer et de prouver son autonomie et sa responsabilité par des capacités d’initiative, de décision et d’innovation. Le salarié devient acteur de son propre développement professionnel et s’engage pour son employabilité. On peut s’autoriser de penser la gestion des compétences sous forme de système d’information évolutif. Il permet à chaque fois qu’il y a un besoin, de recenser de façon systématique les compétences disponibles et organiser des projections des compétences nécessaires pour l’avenir. Grâce à des collaborateurs mieux formés avec une réflexion sur l’évolution du métier, le cabinet notarial renforce son rôle d’acteur économique et social.

Gestion des conflits

Il est admis que l’entreprise est un système social. Dans ce système de nombreux acteurs travaillent et évoluent. La vie professionnelle est faite d’interaction. La plus grande difficulté de chacun dans le groupe est d’arriver à donner le meilleur de lui-même pour exister et coexister. Les membres du groupe établissent entre eux des relations en fonction de leurs buts et leurs stratégies. C’est pourquoi ils ne parviennent pas facilement à développer tout leur potentiel de collectif décisionnel. Ce lien communautaire et cette interaction sociale engendrent des conflits. Par exemple, lorsque dans la même structure un individu ou groupe d’individus perçoivent qu’un autre individu ou groupe d’individus comme un obstacle à leurs préoccupations. Le sentiment de frustration et de riposte se manifeste vis-à-vis de l’autre et souvent au détriment de l’activité de la structure. Que doit faire le manager devant cette situation qui peut se reproduire sans cesse toute la journée ? Faut-il que le manager ignore ces faits ou doit-il les introduire dans sa stratégie ? On entend souvent que les consignes du travail sont fixées et que tout acteur dans 1’entreprise doit les respecter pour éviter tout conflit. Le conflit est nuisible, pour le réduire il suffit de mettre en place des techniques d’organisation. Si c’était aussi simple, la joie et le bien-être  au travail seraient à l’honneur et on n’aura pas à se préoccuper de la dimension sociale et de l’interaction entre les individus.

Le conflit est inévitable et négatif. Il ne permet pas une bonne collaboration, car les objectifs de l’organisation et les individus qui y travaillent sont divergents. Solution, prendre en compte la hiérarchie des besoins des individus pour comprendre et envisager les actions nécessaires à mettre en place.

Si on admet que le conflit est inévitable et fonctionnel, c’est qu’on reconnaît l’interaction entre les acteurs et le degré d’incertitude en fonction des situations. À partir de là, au lieu de tourner le dos au problème il faut l’affronter de manière permanente. D’où la possibilité pour le manager d’intégrer la gestion du conflit dans la conception de la stratégie. Le conflit est identifié comme une réserve potentielle pour l’entreprise. Et le leadership se donne les moyens de comprendre l’ensemble des facteurs qui influencent les comportements des acteurs. Sans oublier que les innovations surgissent des esprits dissidents et non des comportements peureux.

L’acte notarié électronique un nouveau challenge pour renforcer la sécurité juridique et améliorer le climat des affaires :

Notre pays s’est résolument engagé dans une politique qui cherche à faire de l’investissement tant national qu’étranger un support stratégique de croissance économique et sociale. Il continue à déployer ses efforts quant à la création d’un cadre attractif à l’investissement à travers l’amélioration du climat des affaires. On ne peut imaginer la possibilité d’améliorer le climat des affaires sans la sécurité juridique et la protection des investissements. Cette protection juridique pour qu’elle soit efficace et efficiente elle doit intégrer impérativement dans sa dimension les technologies de pointe. Il est évident que la sécurité dont il s’agit, c’est autant de sécurité juridique que de sécurité technique. Nous savons pertinemment que le droit et la technique évoluent à rythmes différents. De notre part, la profession notariale doit continuer à conjuguer sécurité juridique et innovation technologique.

Le notaire garant de la sécurité juridique des transactions immobilières et commerciales :

L’acte notarié authentique fait plein foi même à l’égard des tiers des faits et des conventions attestées par le notaire qui l’a rédigé comme passé en sa présence, jusqu’à inscription de faux ( art 419 D.O.C). Donc, l’authenticité confère à l’acte notarié une sécurité juridique et une force probante. Étymologiquement le mot « authentique » est un composé des mots grecs « auto et hentès » d’où la traduction « qui agit par soi-même » c’est-à-dire un « acte qui, sans pouvoir être contesté et sans faire appel à d’autres autorités, se suffit à lui seul pour accomplir son objet propre ».Quel que soit leur origine, les actes authentiques ont pour trait commun d’être fait par une autorité publique dont la déclaration fait foi jusqu’à inscription de faux, autrement dit la mission du notaire est en fin de compte « d’assurer le service public de la preuve » ; il doit assurer la garde et la conservation des actes authentifiés par lui-même et les minutes de ses prédécesseurs.

À partir de ce constat légal, le notaire est garant de la sécurité juridique par excellence, il confère l’authenticité aux actes établis par ses soins, il contrôle la légalité et leurs conformités avec les dispositions légales et fournit aux parties tous les renseignements juridiques requis et leur explique les portées de ce qu’elles signent. Cependant, il est important d’évoquer la particularité du notariat et sa spécificité se manifeste à plusieurs niveaux. Le notaire marocain à une double casquette, en ce qu’il est à la fois un juriste professionnel qui exerce dans un cadre libéral et un détenteur d’une parcelle de l’autorité publique qui lui permet de conférer l’authenticité. Il se distingue d’autres professions juridiques ainsi que des autres officiers publics en ce sens qu’il doit instrumenter dans le respect de principes stricts tels que : le devoir de conseil et le devoir d’impartialité.

C’est pourquoi la doctrine européenne considère le notaire comme étant « magistrat de la juridiction volontaire » ou « magistrat de la juridiction consensuelle ». Donc magistrats et notaires ont une mission noble qui consiste à garantir la sécurité juridique, l’un en amont et à titre préventif et l’autre dans le contentieux à titre curatif.

L’une des priorités de l’ordre national est de renforcer la sécurité juridique des transactions. Ce renforcement ne peut se faire que grâce à l’adoption des nouvelles technologies. C’est pourquoi nous sommes déterminés à relever le défi d’instaurer l’acte notarié électronique et de l’intégrer dans l’attribution du notariat marocain à l’instar des pays développés.

Nous savons pertinemment que le droit et la technique évoluent à des rythmes différents. Nous sommes conscients que c’est un projet ambitieux qui nécessite la mobilisation d’importants moyens humains et financiers et l’implication de tous nos partenaires publics et privés. Pour réussir ce défi, nous devons commencer par la dématérialisation pour ensuite aboutir à la signature électronique et l’acte électronique notarié.

Depuis plusieurs siècles, seuls l’écrit sur support papier et la signature sur le document lui-même sont reconnus comme moyen de preuve. Le progrès de la technique et de la science ont bousculé le droit des preuves par la dématérialisation des documents et la transmission de données informatisées. Conscient de l’évolution technologique et ses impératifs, le législateur marocain est intervenu sans modifier les structures du droit applicable aux modes de preuve, mais au moyen d’un élargissement des concepts de preuve littérale et de signature. L’objet est d’adapter le droit de preuve aux exigences de la technologie de l’information et la signature électronique.

    Qu’est-ce qu’un acte électronique ?

    L’information est omniprésente dans notre quotidien nous apporte des solutions permettant d’améliorer le service rendu à nos investisseurs nationaux et internationaux. L’acte notarié électronique préservera les vertus de l’acte notarié authentique, date certaine, force probante mais un acte entièrement dématérialisé.

Qui est-ce que cela change pour les usagers ?

  • Pour les usagers la qualité juridique, la sécurité, la force probante et le savoir-faire notarial seront toujours au rendez-vous, simplement le support est différent.
  • Le papier disparait pour être remplacé par un fichier informatique comportant les mêmes garanties de sécurité, de conservation et de disponibilité.
  • Ensuite, il scanne l’ensemble des pièces annexes afin de les joindre électroniquement à l’acte, l’ensemble fermera l’acte à régulariser.
  • Lors du rendez-vous de signature, le notaire présente au client sur écran, la lecture se fait directement sur cet écran, mais au moment de la signature que les grands changements surviennent.
  • En effet, une fois toutes les modifications effectuées, l’acte apparait sur une tablette sur laquelle les signatures des différentes parties pourront être apposées grâce à un stylet électronique.
  • La date et le lieu de la signature sont alors validés et les clients signent directement sur la tablette l’acte et les annexes.
  • Une fois les différentes signatures recueillies, c’est au notaire de signer l’acte au moyen de la clé validée par voie électronique. La cérémonie de signature est alors terminée dès que la signature électronique est apposée, l’acte devient authentique. Il est alors envoyé automatiquement et instantanément sur les serveurs dédiés du notariat dans une sorte de coffre-fort électronique (Minutier central) auquel seul le notaire signataire a accès. Il pourra ainsi, à partir de cet espace, récupérer à tout moment l’acte et ses annexes et en délivre des copies. Donc l’acte notarié électronique deviendra une réalité.

Pour atteindre cet objectif que faut-il faire ?

  1. Le notariat devait se doter en premier lieu d’un réseau intranet sécurisé permettant circulation d’information et échanges de documents entre les offices notariaux marocains.
  2. Ensuite, créer un minutier central électronique. Au préalable de l’établissement de l’acte notarié authentique sur support électronique et son archivage au sein d’une minute centrale électronique des notaires.
  3. La certification d’une signature électronique sécurisée qui doit être reconnue par les plus hautes autorités et répond aux exigences de la loi et la sécurité juridique.

De cette manière le notariat marocain apportera sa contribution à la modernisation de l’État et à l’attraction des investissements et la création des richesses et les emplois.

Sous quel statut juridique devra-t-on créer l’étude notariale de demain ?

La restructuration du notariat au Maroc est devenue une nécessité. Alors qu’en est-il de l’état actuel sous l’application de la loi 32-09 ?

La loi 32-09 régissant la profession du notaire a prévu l’exercice de la profession de notaire soit à titre individuel, soit conclure un contrat de « mocharaka » d’associés qui est un pacte par lequel les notaires mettent en commun leur moyen entre eux sans création de personne morale, le but de faire cohabiter plusieurs notaires dans une même étude, le seul avantage c’est de réduire le cout des charges de l’étude.

Les rares expériences d’association en exercice ont connu un échec flagrant, en conséquence cette structure est devenue source de problèmes au lieu de les résoudre. Certains confrères ont voulu l’utiliser pour pouvoir changer de lieu de nomination sans respecter les conditions requises par le décret.

En somme, le législateur a raté le rendez- vous pour offrir à la profession le statut juridique adéquat qui permettra aux notaires de travailler avec sérénité, bonne intelligence et progresser.

Alors en amendant la loi 32-09  quel statut doit-on adopter ? Existe-t-elle une autre alternative juridique qui pourra répondre aux attentes des notaires et qui dépasse les inconvénients de la SCP?

Nous proposons la société d’exercice libéral à responsabilité limitée, la SELARL. Nous sommes parfaitement conscients que toute idée nouvelle est généralement accueillie instinctivement par le rejet.

Nous devons nous rappeler que grâce à l’innovation de la fiction juridique qu’on put imaginer la présence « d’une personne morale » distincte d’une personne physique ; de même aussi pour qualifier le fonds de commerce de « bien meuble incorporel », et les exemples ne manquent pas. Cela a suscité des débats houleux et a fait couler beaucoup d’encre, en fin de compte  ces termes juridiques sont devenus usuels par les communs des mortels.

En France, la SEL est soumise à la loi sur les sociétés et aux décrets d’application apportant les spécifiés  de chaque activité libérale.

La sel se décline notamment en SELARL (société d’exercice libéral à responsabilité limitée) ou encore en SELAS (société d’exercice libéral par actions simplifiée), formes adaptées à l’activité de notaire.

L’avantage de la SEL :  elle présente plusieurs avantages juridiques et fiscaux , elle est soumise à l’impôt sur les sociétés et celle qui a moins de cinq ans peut adopter le régime des sociétés de personne (impôt sur le revenu).

Elle permet d’optimiser la gestion de l’office notarial, les coûts sociaux et le paiement d’impôt.

L’avantage aussi est que le fait que la responsabilité des associés de la SEL relative aux dettes sociales est solidaire, mais à la limite de l’apport de chacun contrairement à la SCP (17%) dix-sept pour cent des notaires en France exercent en SEL.

À notre avis la solution à préconiser est la SELARL pour tous les notaires qui rencontrent des difficultés pour se regrouper et se développer et se renforcer. La conjoncture difficile pour un nombre important de notaires rend impératif  le devoir de revoir le modèle entrepreneurial des offices des notaires qui exercent à titre individuel.

Ce choix nous permettra de choisir le régime fiscal, soit en exercice à titre individuel et être soumis à l’impôt sur le revenu , soit opter pour une SELARL et soumis au régime de l’impôt sur les sociétés.

Il est important de souligner que devenir associé dans une  SEL  malgré qu’elle est considérée commerciale par la forme , elle ne confère pas la qualité de commerçant aux notaires associés.

En somme, la SELARL si on arrive à l’intégrer dans l’amendement de la loi 32-09 régissant la profession de notaire,  elle constituera l’un des outils pour inventer l’avenir et le regroupement de plusieurs notaires sous la même enseigne, complémentarité des expertises, montée en puissance du collaboratif et de la spécialisation, l’amélioration de la qualité des prestations enfin conquérir de nouveaux marchés et répondre d’avantages aux attentes des clients.

 

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