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Céramique et poterie : Qui protège le « Made in Morocco » ?

Au moment où l’Union Européenne défend bec et ongles son industrie céramique, on observe que le « Made in Morocco », livré à soi-même sans voix, reste à la merci de la concurrence étrangère, principalement chinoise.

Notre premier partenaire économique et commercial  a institué dernièrement un droit antidumping définitif sur les importations d’articles en céramique pour la table et la cuisine originaires de  la  République populaire de Chine. Un rapport souligne « l’existence de distorsions significatives  et d’une intervention étatique importante à  de  nombreux niveaux de  l’économie, y  compris des  distorsions spécifiques dans de nombreux facteurs  clés  de  production (tels  que  les  terrains, l’énergie, les  capitaux, les  matières premières et  la main-d’œuvre), ainsi que dans des secteurs spécifiques (tels que celui des articles en céramique) ».

Côté marocain, il semble que la politique de défense commerciale ignore totalement un secteur aussi stratégique et vital que celui de l’Artisanat. Preuves à l’appui, les mesures de sauvegarde sont tournées uniquement vers les activités industrielles. Ne parlant pas d’une famille de produis comme la poterie et pierre, alors que, curieusement, elle truste le podium des exportations de l’artisanat en 2018, forte d’une part de marché de 20%. L’analyse de son évolution montre une courbe sans cesse ascendante depuis 2010. En effet, ses ventes à l’étranger se sont envolées à 162,5 millions de dirhams en 2018 contre 81,7 et 58,5 millions de dirhams, respectivement en 2015 et 2010.

Ces performances tranchent avec toute critique infondée et imposent une question légitime : comment est-ce possible que le « Made in Morocco » perce sous d’autres cieux, alors dans son fief il  traine dans la boue sans parler des exigences de sécurité applicables aux produits céramiques importés de l’Empire du milieu ?

ARTISANS : Les Laissés-pour-compte!

 Voilà un secteur qui vaut son pesant d’or. Un gisement énorme d’emplois et d’opportunités d’affaires livré à son sort. L’artisanat offre à quelque 2,3 millions de Marocains des emplois plus au moins stables. Une personne active sur cinq est occupée par l’artisanat. Lequel réalise un chiffre d’affaires de plus de 26 milliards de dirhams et contribue pour plus de 8,6% au PIB national. Un secteur gangrené par l’informel, sous-estimé, marginalisé et  voué à une totale anarchie. Pourtant, son potentiel est fort porteur et les opportunités à l’export promettent monts et merveilles. Fort de son patrimoine culturel et historique hors pair, l’artisanat marocain ne semble pas encore attirer sérieusement l’attention de la politique économique du pays. Jusqu’à quand?

Voyons au tour de nous. Dans un petit pays européen comme le Luxembourg, dont la population ne dépasse guère 614.000 habitants, l’artisanat réalise un chiffre d’affaires de plus de 11 milliards d’euros et contribue pour plus de 10% au PIB national. Mieux encore, le secteur est constitué d’environ 7.300 PME. Au Maroc, elles ne sont que de l’ordre de 900 entreprises qui œuvrent en artisanat, n’emploient que 5%, et ne contribuent qu’à hauteur de 16% au chiffre d’affaires du secteur. Autre cas d’école qui invite à une mure réflexion sur le devenir de l’artisan et  de l’artisanat marocains.

L’exemple de réussite à suivre à fin de booster le secteur est l’Inde qui réalise un chiffre d’affaires à l’export de 3,2 milliards de dollars, soit 5% de l’offre exportable globale du pays. Plus de 7 millions d’enfants du Mahatma Ghandi travaillent dans l’artisanat. Cette démarche comparative montre que le Maroc ne dispose pas encore d’une vision stratégique  clairement définie. Prenons l’exemple des avantages fiscaux, le secteur pointe à la dernière place sur le registre des dépenses fiscales par secteur d’activité. Ainsi, les dépenses fiscales consenties en faveur du secteur ont atteint seulement 19 millions de dirhams en 2017 contre 113 millions en 2013. Pis, ces dépenses fiscales sont liées uniquement à la taxe sur la valeur ajoutée.

Dans son dernier rapport, la Cour des comptes souligne que « les incitations et mesures d’encouragement des investissements ne font pas l’objet de vulgarisation suffisante, notamment dans les domaines de promotion artisanale, particulièrement pour les PME ». Remettant en cause la modernisation des canaux de promotion de l’offre artisanale. Pour le bien comprendre, il suffit d’observer l’évolution du chiffre d’affaires à l’export. Il a atteint 671 millions de dirhams en 2017 contre 415 millions en 2014 et 340,16 millions en 2011. Ces montants sont loin d’atteindre les 762,66 millions de dirhams de ventes à l’étranger réalisées en 2005. Comment on en est arrivé là ? L’export et la promotion commerciale c’est toute une stratégie nationale qui requiert un certain nombre d’outils de planification, de gestion, de contrôle, de veille, de formation sans oublier les incitations étatiques (subventions, avantages fiscaux …). La Cour des comptes taxe la maison de l’artisan « dont l’apport est devenu insignifiant, eu égard à leurs prérogatives et aux moyens humains et budgétaires dont ils sont pourvus ». Au lieu de fédérer les synergies, rester au plus près des artisans et aller dans le sens d’une fusion avec d’autres organes en charge de l’export, la Maison de l’Artisan  a été laissée à son sort…

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