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Inflation : Pourquoi Jouahri ne réagit pas

« Pensez-vous que l’inflation est un bouton sur lequel il faut juste taper… », rétorque Abdellatif Jouahri, wali de la Banque centrale, l’intervention d’un journaliste lors d’une conférence presse. Cette intervention reflète en réalité la polémique réduite pour le moment aux mots que le taux actuel d’inflation a suscité. Le chef de file de ce débat controversé n’est autre qu’Ahmed Lahlimi Alami, le patron du HCP, qui n’a cessé de crier au « scandale ».

A fin août 2019, le taux d’inflation (indice des prix à la consommation) ressort à 0,2%. Ce qui veut dire que l’économie nationale bouclera l’exercice 2019 avec un taux d’inflation en dessous de 1%, un taux jugé « anormalement bas ». La question qui se pose donc : si tel est le cas, sommes-nous alors au bord de la récession économique? La réponse est non. Et pour preuve : il suffit de calculer la différence entre le taux de croissance du PIB et celui de croissance de l’inflation. Et de là on comprend bien pourquoi Jouahri assimile l’inflation à un bouton. Car il  est incompréhensible de réduire l’inflation à un seul et unique levier, ce que les économistes appellent l’inflation par la politique monétaire via la baisse du taux directeur. A l’épreuve d’une « économie fragile » comme la nôtre, il s’avère très très difficile pour la banque centrale de réviser drastiquement à la baisse le taux directeur fixé aujourd’hui à 2,25%, et par conséquent  voir le pouvoir d’achat du dirham se déprécier.  Pourquoi ?

Les spirales inflationnistes ne manquent pas d’effets d’entrainements. Il ne faut pas oublier que Jouahri a déjà revu à la baisse le taux directeur qui était situé à 2,50%, en vain. Il ne faut pas oublier non plus que les banques commerciales ne jouent pas le jeu comme il se devait, là c’est une autre question.

Poussant l’analyse plus loin et voir de près la masse critique du tissu économique et sa capacité à résister face à une dépréciation de la monnaie. Un constat sans appel : l’économie marocaine se veut bel et bien une économie de marché d’inspiration libérale avec un « taux moyen d’ouverture sur la période 2008-2016 de l’ordre de 62%, soit un taux supérieur à celui de l’Afrique du Sud (57%), de la Turquie (42%) et du Brésil (19%) », selon le DEPF. Une perte de pouvoir d’achat du dirham veut tout bonnement dire payer encore plus chère pour importer, et partant un renchérissement de la facture énergétique pour ne prendre que cet exemple. Pour absorber le renchérissement de la facture des importations, il faudrait, en théorie, compter sur la hausse prévisible des exportations. Dans la réalité des choses, il n’en est rien. Pis encore, la valeur ajoutée étrangère dans les exportations brutes du pays entre 2005 et 2015 est passée de 22,7% à 25,7%.

Lire aussi : Export : La valeur ajoutée étrangère gagne du terrain

L’économie nationale joue aussi la carte des avantages comparatifs et compétitifs à travers son attractivité aux investissements directs étrangers (IDE). Qui dit attractivité dit parité de pouvoir d’achat, autrement dit les effets de l’inflation sur le taux de change. Et là, on peut se demander pourquoi Jouhari  refuse toujours de transiter à la phase II de la flexibilité du dirham, malgré la pression du FMI.

Pour une économie comme la nôtre, il est inconcevable même à moyen terme un taux d’inflation supérieur au taux de croissance du PIB. Encore faut-il faire la différence entre l’inflation réelle et celle ressentie. Le mode calcul de l’indice des prix ne laisse pas indifférent…

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