ENTRETIEN : « La douane reconnaît l’existence de la corruption »
La corruption cause au Maroc une perte annuelle de 2% de croissance. L’Administration des douanes et impôts indirects (ADII) en souffre également. Entretien avec Lhassane Hallou, directeur de la facilitation et de l’informatique.
Selon bon nombre de professionnels, la corruption bat son plein chez les services douaniers. Qu’en pensez-vous ?
La corruption est un phénomène sociétal qui interpelle les différentes composantes du pouvoir public dans la plupart des pays et rares sont ceux qui prétendent ne pas en souffrir. L’Administration des douanes et impôts indirects (ADII) en souffre également, mais n’en fait pas un tabou. Elle reconnaît son existence et affirme sa ferme volonté de lutter par tous les moyens contre elle.
Au regard de la nature de ses missions qui fait en sorte que les usagers très intéressés parfois (les sociétés et même les particuliers) sont obligés de rentrer, pour le besoin des processus douaniers, en relation directe avec les agents douaniers. Cette relation Douaniers-Usagers ouvre la voie à ces pratiques qui entachent les valeurs d’éthique et les règles de déontologie que l’Administration des douanes et Impôts Indirects ne cesse de consacrer et de déployer. Ceci dit, l’ADII n’a jamais cessé d’adapter et de moderniser son arsenal juridique, organisationnel et procédural dans l’optique de mettre en œuvre les mécanismes adéquats pour empêcher, détecter et sanctionner dans le but de prévenir pour éradiquer la corruption et les infractions assimilées au sein de ses services douaniers. Les efforts engagés par l’ADII au côté des autres composantes du pouvoir public ont fait en sorte que le Maroc a gagné en 2017 neuf places par rapport à 2016 dans le classement de Transparency International (81e place avec un score de 40 points).
Quid des efforts d’adaptation et de modernisation engagés pour diminuer les risques de corruption ?
Les observateurs aguerris comprendront aisément que le principal objectif des réformes et amendements juridiques et règlementaires proposés par l’Administration est la diminution voire l’élimination des risques de corruption. S’agissant de l’automatisation des procédures douanières, on cite la gestion informatisée du contentieux ; l’informatisation de la déclaration occasionnelle ; le déploiement de solutions de paiement en mode multicanal ; la dématérialisation des actes de cautionnement bancaire ; l’implémentation d’une solution de signature électronique ; la gestion automatisée des AT des véhicules, etc. Dans ce cadre, l’ADII offre aux opérateurs la possibilité de bénéficier de certains services en ligne sans devoir se déplacer (consultation du circuit de la déclaration, accès au devis estimatif des droits de douane, paiement électronique, édition de la mainlevée chez l’opérateur, suivi des comptes RED, consultation des AT des véhicules non apurés…). Dans le cadre de ses réformes visant la modernisation de ses actions, l’ADII a procédé à la création en collaboration avec ses partenaires, d’un Guichet unique national de facilitation de l’ensemble des procédures portuaires et de commerce extérieur baptisé PORTNET ; la création d’un Centre National de dédouanement Postal ; la mise en place d’une Cellule Nationale de Ciblage ou encore la création de la Brigade Nationale des Douanes.
Le tableau ci-après reprend par type les mesures prises entre 2012 et le mois août 2018 :
Mesure | Nature | Année | |||||||
2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | |||
Sanctions disciplinaires | Avertissement | 45 | 44 | 33 | 35 | 36 | 58 | 53 | |
Notation | 2 | 2 | 3 | 1 | *** | *** | *** | ||
Blâme | 47 | 42 | 37 | 31 | 38 | 43 | 67 | ||
Exclusion temporaire privative de toute rémunération | 21 | 10 | 35 | 13 | 20 | 47 | 24 | ||
Mise à la retraite d’office | *** | *** | 1 | *** | *** | *** | *** | ||
Révocation | 5 | 7 | 4 | 1 | 4 | 6 | 5 | ||
Total des mesures prononcées | 120 | 105 | 113 | 81 | 98 | 154 | 149 |
Plusieurs chercheurs s’accordent à dire que la digitalisation des services publics a un but particulier : lutter contre la corruption. Où en êtes-vous par rapport à ce grand chantier ?
La digitalisation du service public au niveau de notre institution s’inscrit dans un cadre beaucoup plus large qui vise notamment la simplification des procédures douanières tout en garantissant l’efficacité des contrôles, la dématérialisation totale (le zéro papier) des processus douaniers et l’amélioration de la compétitivité de nos entreprises surtout à travers l’optimisation des coûts et des délais de traitement des opérations. L’ADII a engagé le chantier de digitalisation depuis plusieurs années déjà suite à la mise en place dès 2016 d’une nouvelle stratégie couvrant la période 2017-2021. L’objectif étant de faire migrer progressivement la douane vers une nouvelle génération totalement dématérialisée à travers le lancement d’un package de plusieurs projets complémentaires qui sont aujourd’hui tout à fait opérationnels : signature électronique sécurisée, paiement multicanal, validation électronique des cautions bancaires, etc. La prochaine étape prévue est la suppression du dépôt physique de la déclaration et de ses documents annexes qui est prévue le 1er janvier 2019.