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PRIMO-EXPORTATEURS: LES ERREURS A ÉVITER !

Par. Ahmed Belkacem

Responsable Export chez Agcofruit

Il est connu que, dans un marché libre, le prix d’une denrée est déterminé par la jonction entre l’offre et la demande. Partant de ce principe, on peut considérer que le prix élevé d’un produit marocain par exemple, sur un marché extérieur donné, est révélateur de la rareté ou du manque de ce produit. Ainsi, on peut être emporté par la tentation de croire que l’on peut saisir cette opportunité pour procéder à des exportations de ce genre de produit à partir du Maroc où il est offert à un coût abordable. D’un simple calcul, on en déduit que l’opération se solderait par une marge importante. Toutefois, les choses ne sont pas aussi faciles qu’elles peuvent en avoir l’air. En effet, d’énormes difficultés peuvent être rencontrées pour la maitrise des diverses activités liées à l’opération d’exportation, à savoir notamment, les prospections et études de marché, l’accès au produit de qualité requise, la présentation, la certification, la maitrise des Incoterms , le choix et la disponibilité des moyens  de transport adéquats avec un coût abordable, portefeuille clients fiables,…etc.

L’adage, “ il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué “ ne s’applique pas dans toutes les circonstances, notamment pour l’opération d’exportation, où la garantie de règlement doit primer sur l’action d’achat. Généralement on dit j’achète et je vends. C’est à dire j’achète d’abord ensuite je cède. Cette activité peut être menée sur le marché domestique où la structure de commercialisation réduit le risque de non-paiement et où on peut recourir à des réajustements étalés dans le temps pour minimiser éventuellement les pertes. La même approche ne peut pas être suivie quand il s’agit d’opération d’exportation où l’acte d’achat par l’exportateur doit être assorti au préalable d’une promesse d’une garantie de paiement par le client. Dans le cas contraire, l’exportateur serait contraint de brader sa marchandise suite à l’absence de garantie de règlement. Même si les contraintes en amont peuvent être cernées, l’exportateur reste exposé au risque majeur d’impayé, s’il ne s’entoure pas d’un maximum de précautions, notamment :

  • Ne pas se laisser emporter par la tentation de réaliser une opération d’exportation en essayant d’imiter un professionnel ayant une grande expérience. Il y a des entreprises qui se sont hasardées dans ce domaine et qui après déboires ont dû changer de cap ;
  • Recourir à un professionnel pour la rédaction de contrat type ou s’inspirer des modèles de contrats élaborés par la Chambre de Commerce Internationale pour adaptation au produit à commercialiser ;
  • Ne pas croire en tout document pré-imprimé présenté par l’importateur tel que contrat/ commande, qui semble parfait en prévoyant des avantages pour l’exportateur, alors qu’il pourrait s’agir d’appât ;
  • Ne pas envisager d’exporter vers un pays avant d’avoir des renseignements fiables le concernant, particulièrement, la qualité de l’environnement des affaires et le risque des impayés, auprès de la COFACE qui dispose des analyses et des évaluations des risques commerciaux par pays. Cependant, il faut garder à l’esprit qu’il peut exister dans un pays mal noté (note D) des entreprises sérieuses comme il peut exister des entreprises malhonnêtes dans un pays bien noté (note A1) ;
  • Maitrise des différents frais d’approche et charges prévisibles pour l’élaboration d’un décompte de prix bien étudié. Il s’avère souvent difficile de concilier entre la volonté de réaliser une opération et la réalité des charges qui ne permettent pas de présenter une offre compétitive à l’export étant donné la concurrence internationale.
  • Maitriser les Incoterms de transport qui déterminent le niveau de responsabilité vis-à-vis de la marchandise, ainsi que les frais et charges à supporter par chaque partie ;
  • Inclure dans le contrat d’exportation une clause compromissoire pour permettre au service des litiges de la chambre de commerce du Maroc, d’introduire à la demande de l’exportateur, une procédure de conciliation auprès de la chambre de commerce adverse, afin de trouver une solution à l’amiable au différend né de l’exécution du contrat entre l’exportateur et l’importateur.
  • Exiger, au début de toute relation commerciale, le paiement intégral ou au moins 90% du montant de la transaction, 5 à 10 jours avant expédition selon la nature du produit à exporter ;
  • Dans le cas où le règlement d’avance est convenu, ne pas se fier à une copie de l’ordre de transfert envoyé par le client, même si le document porte le cachet humide de la banque. Il est prudent que l’exportateur attende l’arrivée des fonds à sa banque. Si le client souhaite recevoir la marchandise rapidement, le transfert de fonds peut se faire par SWIFT ;
  • Si l’acheteur n’accepte ni le paiement intégral avant expédition ni le virement d’acompte d’un montant à convenir, demander une lettre de crédit « stand-by » qui constitue une garantie, mais qui ne peut être mise en jeu à la demande de l’exportateur que dans le cas où l’acheteur ne s’acquitterait du montant de la transaction, indépendamment du mode de paiement convenu ;
  • Exiger un accréditif irrévocable et confirmé par une banque de premier ordre. La réalisation de l’accréditif peut être à vue à 100 % contre documents ou à 80 % à la remise des documents et 20% après réception de la marchandise par le client ou éventuellement, après analyse conforme de la marchandise. Toutefois , ce mode de paiement n’est garanti à 100 % que si les indications des documents sont identiques à celles mentionnées dans l’accréditif et que la banque chargée du paiement ne relève aucune réserve quant aux documents présentés.
  • Ne pas opter pour un paiement contre document pour les premières expéditions, car il y a un risque de rétractation et d’abandon de la marchandise au port/aéroport par le client. Ce mode de paiement peut-être envisagé quand une confiance mutuelle s’est installée entre l’exportateur et l’importateur ;
  • Ne pas répondre aux sollicitations par internet des Brokers étrangers et éviter les intermédiaires locaux et étrangers, ainsi que les opérations triangulaires en privilégiant les opérations directes ;
  • Éviter les ventes en dépôt/consignations qui pourraient se solder par un déficit ;
  • Envisager la souscription d’une police d’assurance à l’export contre le risque d’impayés.

Il est évidemment souhaitable de prendre le maximum de précautions. Toutefois, les mesures de garantie entrainent des frais supplémentaires qui grèveraient le coût du produit et rendraient l’offre à l’export prohibitive, comme il n’est pas toujours possible d’avoir toutes les garanties imaginables de son côté, dans toutes les circonstances. En effet, un exportateur ne peut imposer toutes ses conditions de vente d’un produit singulier sur un marché extérieur donné qui est approvisionné de toutes parts en un tel produit. Aussi et pour faire valoir sa position de force, l’exportateur doit disposer d’une marchandise demandée particulièrement, spécifique, rare ou dont il détient l’exclusivité. De même un contrat de production en vue d’exportation peut comporter des garanties de paiement importantes et même une contribution dans les frais de production ou fourniture de la matière première de production/fabrication. Enfin il serait utopique de dire : je vais faire de sorte que toutes les chances soient de mon côté. Il y a lieu quand même de prendre un minimum de risque quand on est en action. Car comme on dit, qui ne risque rien n’a rien. Encore faudra-t-il savoir estimer le niveau acceptable de risque à prendre. Seule l’expérience est à même de nous apprendre à évaluer correctement le risque encouru dans chacune de nos actions.

 

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